Il règne aux Deux magots, ce soir du 5 mai 2022, un joyeux brouhaha qu’une voix s’efforce de dominer : « Et le lauréat du prix Pelléas-Radio Classique, qui récompense le livre sur la musique aux plus belles qualités littéraires, est donc… Philippe Blay et sa biographie de Reynaldo Hahn !! » Les applaudissements cette fois couvrent les discussions enjouées. Pour comprendre la genèse de ce prix, il faut s’éloigner du tumulte de la vie littéraire parisienne et s’enfoncer dans la campagne berrichonne…
Philippe Blay, Reynaldo Hahn, éditions Fayard, paru en mai 2021, 28 euros
Nohant. La maison de George Sand, où furent reçus nombre de compositeurs – Chopin d’abord, mais aussi Liszt – est un paradis pour les amoureux de l’union entre littérature et musique. Jean-Yves Clément en est un : écrivain, son œuvre en témoigne ; il est d’ailleurs directeur artistique du Festival de Nohant, et c’est dans ce cadre qu’il créa le prix Pelléas, en 1997. A l’origine de cette récompense si particulière, il y a donc un lieu ; mais aussi une œuvre, où s’unissent les talents de l’écrivain Maeterlinck et du compositeur Debussy : Pelléas et Mélisande.
25 ans plus tard, l’œuvre de Philippe Blay réalise encore cette sublime alliance. Il présente, avec un admirable style, la vie du compositeur Hahn, qui d’un siècle à l’autre, virevolta des orchestres aux salons littéraires. Dès ses premières années, lui aussi travailla à l’union si chère au prix Pelléas, par la mise en musique d’un poème d’Hugo, Si mes vers avaient des ailes, mais aussi d’œuvres de Verlaine et de Mallarmé. Plus tard le musicien se lia plus intimement à la littérature, en devenant l’amant de Proust, pour qui il resta l’un des plus fidèles amis.
De retour place Saint Germain des Prés, nous entendons s’échapper du café où la littérature est reine la douce musique d’une joyeuse assemblée, qui petit à petit, se fait plus douce, à mesure que l’établissement se vide. Mais, dès l’année prochaine, seront encore célébrées ici les noces sublimes des lettres et des notes.
François Bouyé