Nous ne sommes pas tous égaux devant le coronavirus, mais ceux qui sont dans des espaces confinés tel que les EHPADs et les prisons sont en première ligne. Pour ces derniers, certains argueront qu’ils ont enfreint les règles et en conséquence la société n’a pas à se préoccuper de leur sort. Le monde de l’art s’est toujours engagé pour aborder les sujets tabous, lancer de nouvelles réflexions. C’est en ce sens qu’il nous parait essentiel de lire le dernier livre de Gwenola Ricordeau « Pour elles toutes », paru chez Lux, la maison d’édition canadienne d’inspiration libertaire.
Cette étude portant sur le sort de femmes liées au milieu carcéral, au Canada, en France et aux USA, soulève de nombreuses questions. Elle démontre entre autres que les femmes sont fortement pénalisées. Gwenola Ricordeau, résolument abolitionniste et féministe, deux engagements très souvent opposés, aborde le système carcéral d’un point de vue féministe. La prison protège-t-elle les femmes en enfermant leurs agresseurs ? Quelles sont les répercussions de l’enfermement sur les femmes, lorsqu’elles sont incarcérées ? Que se passe-t-il lorsque leur compagnon est emprisonné ? L’autrice précise que si les hommes ont tendance à lâcher leur compagne incarcérée, en général les femmes soutiennent leur compagnon.
Les féministes, la société incitent les victimes à recourir à la justice pénale pour les violences qu’elles subissent. Malheureusement, que ce soit au Canada, en France, aux USA, recourir au pénal, implique une connaissance de ses droits, une confiance dans le système judiciaire et en général une capacité financière, surtout si l’autre appartient à un niveau social élevé. Elle rappelle que statistiquement, les crimes commis à l’encontre des femmes issues de minorités ethniques, pauvres ou prostituées sont encore moins punis que les autres. Les chiffres sont accablants. La justice attend de la plaignante qu’elle soit conforme à l’image que l’on a de la victime. Finalement, le système pénal est loin d’apporter des réponses à toutes les violences, injustices que subissent les femmes.
C’est pourquoi, Gwenola Ricordeau ( maitresse de conférence, diplômée en Sociologie et en Anthropologie) dénonce les conditions actuelles d’enfermement et prône un abolitionnisme pénal. Elle déplore que féminisme et l’abolitionnisme ne se pensent pas ensemble et se confrontent trop souvent l’un à l’autre. En effet, pour elle, la prison affecte d’abord et surtout les femmes, que ce soient les détenues elles-mêmes, mais également lorsqu’elles se retrouvent à assurer seules l’éducation des enfants et la charge matérielle de la famille, tout en étant présentes pour répondre aux demandes des hommes en prison.
Dans son essai, la militante abolitionniste s’insurge de voir les femmes utilisées par les politiques pour justifier de nouvelles décisions pénales alors que rien dans la justice actuelle ne permet de résoudre les problèmes de violences sexuelles. Elle remet en cause, l’idée largement répandue que le système pénal protège les femmes, elle demande aux féministes de prendre part au débat et de s’interroger sur la prise en charge des femmes dans le système pénal et de se questionner pour repenser ce système, de manière collective et inclusive.
Barbara Ates
Pour elles toutes par Gwenola Ricordeau
Edition Lux – 240 pages – 12cm x 18cm – 16 €
Format numérique 10,99 €