Sophie Calle emménage au Musée Picasso

L’artiste Sophie Calle emménage au Musée Picasso pour trois mois. Elle célèbre à sa manière le cinquantenaire de la mort de Pablo Picasso. Picasso disparu ? C’est ce qu’elle souhaite incarner au sens littéral du terme : « Les Picasso se retrouvent presque tous au sous-sol », déclare-t-elle. Alors que de nombreuses œuvres sont en prêt pour célébrer l’événement de la disparition de Picasso, « À toi de faire ma mignonne » est une exposition en « contrepoint » affirme Cécile Godefroy, la commissaire de l’exposition.

Lors du confinement en2020, Sophie Calle visite le musée déserté. Toutes les œuvres de Picasso sont alors protégées par du papier kraft : « Dans ces tableaux confinés, je trouvais une piste, une direction. Ça rejoignait mes thèmes : la disparition, l’absence, les tableaux volés, qu’on ne voit plus, les aveugles, les rideaux qu’on doit soulever pour voir. » C’est donc un Picasso fantomatique que l’on devine sur les murs, sous du papier, du tissu, ou à travers des témoignages de visiteurs.

Entre Sophie Calle et Picasso, ce sont donc des préoccupations communes : si le premier étage rassemble des œuvres sur le thème du regard, les suivants laissent place à celui de la mort. Ce sont d’abord des hommages à ses parents disparus, puis une mise en scène photographique de sa propre mort.

Elle s’interroge également sur le devenir du contenu de sa propre maison : elle simule la vente chez Drouot de ses biens : « J’ai décidé d’exprimer ma hantise d’une vente comme je n’ai pas d’héritier et j’ai donc demandé au commissaire-priseur de l’Hôtel Drouot de mettre en scène ce cauchemar en faisant l’inventaire de tout ce que je possède. » Ses objets les plus précieux sont accumulés dans deux salles du musée : meubles, livres, vêtements, vaisselle, œuvres, objets de curiosité etc. L’exposition se présente ainsi comme un « vaste memento mori », rassemblant au total près de sept cents pièces.

Après l’inventaire matériel vient celui de sa carrière : elle fait le recensement d’une soixantaine de projets réalisés à travers une drôle de série noire qu’elle invente.  « A toi de faire ma mignonne » est le titre de l’un de ces livres. Elle présente aussi ses projets inachevés ou censurés, et d’autres qu’elle espère voir un jour aboutis. Chaque projet comporte en rouge les inscriptions : « Trop anecdotique », « Pas le temps », « Impossible » etc. Qu’elle ait suivi des inconnus dans la rue, invité des gens à dormir dans son lit pour les regarder dans leur sommeil, convié des artistes à faire un album pour la mort de son chat, ou encore servi de personnage à Paul Auster, l’artiste joue sans cesse des frontières entre réalité et fiction.  

En occupant ainsi les quatre étages du musée Picasso, Sophie Calle propose une visite à la fois jubilatoire et grave qui puise au cœur de son existence romanesque. 

Perrine Decker

Jusqu’au 7 janvier 2024

Musée Picasso, 5 Rue de Thorigny, 75003 Paris

Réservations : https://billetterie.museepicassoparis.fr/content#