Tendresse à quai
Mise en abyme : expression désignant le procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre similaire. Remis à la mode depuis quelques années, la pratique artistique n’est pas nouvelle puisque Molière -pour ne citer que lui- y eut déjà recours dans « Le malade imaginaire ». Mais vous savez, moi, les phénomènes de mode… je m’en méfie comme de la peste car ils peuvent traduire un manque criant d’imagination ou d’aptitude à écriture sur autre chose que ce l’on connait. Pire, la mise en abyme se traine péniblement dans l’autoréférence et le narcissisme. Henri Courseaux, l’auteur et comédien dans ce spectacle, ne mange pas de ce pain-là, bien au contraire.
Si le texte raconte effectivement la genèse et le déroulement narratif d’une œuvre littéraire, il égratigne avec humour et une autodérision certaine, l’auteur et son possible jabot. Il moque la flagornerie du milieu littéraire et de ceux qui en parlent, appelant le chroniqueur que je suis à sourire des critiques que j’évite soigneusement de côtoyer, de peur de sombrer à mon tour dans la suffisance, la condescendance et la prétention de savoir et de crier qu’on sait.
La scénographie, à peine esquissée, appelle elle-même au travail d’imagination du spectateur. La pelote se déroule lentement, donnant à penser sur le rapport entre le créateur et son personnage, loin de se résumer à une simple forme de domination qui ferait du premier un chat et du second une pauvre souris, du premier un marionnettiste et du second un Pinocchio. « Tendresse à quai » pourrait presque être qualifiée de fable tant le rebondissement final surprend et questionne sur l’illusion du théâtre, non sans une issue douce-amère faisant de l’arroseur… l’arrosé.
Le pitch :
Un conte moderne pétri d’humour, de poésie et d’onirisme qui virevolte dans un kaléidoscope de sentiments. Un hymne à la recherche du bonheur.
Sur un hypothétique quai de gare, Léon Brémont, vieil écrivain en mal d’inspiration, croise une jeune cadre commerciale d’une trentaine d’année. Il ne l’aborde pas mais cette rencontre fait jaillir en lui un texte dans lequel il imagine la vie de l’inconnue (qu’il baptise Madeleine), ses frustrations et jusqu’aux plus intimes de ses aspirations.
Lorsque la jeune femme découvre par hasard ce texte, que l’auteur a publié sur Facebook, elle s’y reconnaît si parfaitement qu’elle décide de s’inviter à l’improviste chez l’ancien prix Goncourt. Ce qui se noue alors entre eux n’est pas seulement une impossible histoire d’amour trans-générationnelle, c’est aussi le tendre affrontement de deux logiques, de deux solitudes assoiffées.
Mais est-ce l’imagination de Léon ou la réalité lorsque Madeleine sonne à sa porte alors qu’il est justement en train d’écrire sur elle ? Est-ce la suite du roman ? Sont-ils tous deux des personnages inventés ou des êtres de chair ? Et si la vie n’était que cela : une traversée des apparences où le réel s’effiloche en fragments dont on ne sait plus s’ils sont vérité ou fantasme ?
C’est un voyage en humanité qu’Henri Courseaux nous propose sur ce quai de gare. Sa pièce est tissée de son rire, de sa tendresse, de son inextinguible révolte et de son insatiable appétit de vivre.
Tendresse à quai
Auteur : Henri Courseaux
Mise en scène : Stéphane Cottin
Avec : Henri Courseaux et Marie Frémont
Jusqu’au 18 novembre 2018, du mercredi au dimanche
Studio Hébertot
78 Bis Boulevard des Batignolles
75017 Paris
David Fargier