Un sujet percutant et actuel, une langue précise et une intrigue efficace. La nouvelle pièce de Muriel Gaudin, mise en scène de Pierre Notte, promet d’avoir un certain succès à la Scala Provence en Juillet.
L’histoire se déroule dans une famille quelconque, peut-être un peu plus névrosée que la moyenne, une famille qui décide un jour d’accueillir un jeune migrant venu d’Afrique, Malik, par pur humanisme, il semblerait. Mais peu à peu, cette situation quelque peu originale exacerbe les tensions familiales et le mélange culturel produit s’avère totalement inattendu.
Ce drame familial est une peinture inflexible de la société actuelle où altruisme et intérêt personnel et individualisme se croisent, s’affrontent et s’entrechoquent. Ici, Muriel Gaudin parle d’expérience puisqu’elle a elle-même accueilli pendant 2 années un jeune migrant au sein de sa famille. Et ça se sent dans cette pièce très incarnée et loin d’une vague théorie sur la société. Le thème et l’intrigue sont donc bien agencés, permettant de rendre concrètes et accessibles les tensions qui écartèlent notre société et jusqu’à nos familles.
Un récit fort mais qui parfois manque un peu de ponctuation tenant le spectateur dans un état de tension extrême, entre crise et larmes, jusqu’à la scène finale, climax du dramatique. Des moments pépite cependant qui permettent de s’envoler loin du tragique de la situation et des caractères : les moments poétiques où se superposent 2 contes en langages différents.
A tout cela s’ajoute un jeu d’acteur énergique et naturel, même s’il participe parfois à accentuer une tension peut-être un peu excessive.
Si le thème est profond et le récit puissant, la mise en scène bien qu’inspirée du théâtre contemporain à succès, manque un peu d’originalité. Cependant on ne peut lui retirer le mérite de son efficacité certaine, avec ses meubles polyvalents qui stimulent l’imagination à la manière des mises en scène du génie Michalik. Les changements de costumes à répétition sur scène mériteraient de ne pas être autant multipliés même s’ils permettent au spectateur de respirer.
Le gros plus du spectacle : le musicien, sur la scène, entre cours et jardin, qui installe à lui seul toute l’ambiance avec une mélodie tantôt palpitante tantôt ouatée, et auquel les personnages s’adressent régulièrement en l’intégrant ainsi subtilement au récit.
En conclusion, on passe un moment intense en se replongeant dans nos sujets de société à travers une pièce bien menée, efficace bien qu’un peu exaltée dans son dramatisme.
Un certain penchant pour la cruauté
De Muriel Gaudin
Delphine Gindre
Photos : Philippe Delacroix
Du 7 au 30 juillet 2022
La Scala Provence, 3 rue Pourquery de Boisserin, 84000 Avignon
https://lascala-provence.fr/programmation/un-certain-penchant-pour-la-cruaute/