Que peut-on encore considérer comme ordinaire aujourd’hui ? Alors que l’ordre géopolitique mondial ne cesse de se complexifier, oscillant entre conflits armés en Ukraine, affrontements en Iran, bouleversements provoqués par les élections des grands dirigeants et catastrophes climatiques, l’ordinaire apparaît comme une notion fragile, un droit, en péril. À l’image d’un caméléon, il s’est adapté à l’ambiguïté d’un monde aux mutations constantes, au point qu’il en devient à présent difficile de définir ce qu’il est, ou plus justement, ce qu’il n’est plus.
Animé par ces interrogations profondes et désireux de donner la parole aux artistes, le Centre Culturel Coréen présente l’exposition Ordinary World, du 7 novembre 2024 au 8 février 2025, et propose des pistes de reflexions et quelques coups d’œil rapides dans ce que l’ordinaire pourrait bientôt signifier pour chacun.
Un troisième volet réussi
Ce projet unique s’attache à exposer des problématiques actuelles qu’il semble parfois plus facile d’ignorer, dans le but de proposer des pistes d’action pour appréhender notre nouveau quotidien. Esquivant le piège de la fatalité d’un quotidien morose, l’exposition prouve qu’il existe bien une mosaïque de réalités parallèles et d’actions possibles face à ce quotidien, et qu’il ne tient qu’à nous de choisir celle que nous souhaitons embrasser.
L’absurdité de l’ordinaire
Avec une prédominance marquée pour l’art vidéo, bien que ne s’immiscent çà et là, de tableaux-collages et sculptures, l’exposition réunit cinq artistes qui tendent tous, chacun à leur manière, à interroger le glissement, si ce n’est le basculement, de notre quotidien vers une forme de confort paradoxalement apocalyptique.
Dans son œuvre Future Practice ou encore Simulation, Shin Jungkyun se met en scène, performant une série de gestes chorégraphiques dans des environnements frappés par des inondations, tremblements de terre ou incendies. En invoquant un sublime modernisé, terrifiant et captivant à la fois, il nous invite à nous poser un torrent de questions troublantes : face à de tels bouleversements, comment réagirons-nous ? Resterons-nous figés dans l’inaction, nous aussi ? Nous habituerons-nous au délitement de nos habitudes ? Nous conformerons-nous à un ordinaire plus si ordinaire que ca ?
D’autres artistes, à l’instar de JiYoon Park, cherchent à sublimer le quotidien actuel, celui qui persiste malgré tout. Dans ses œuvres vidéo telles que The Way We Wait, Park brouille habilement la frontière entre fiction et banalité. Saisissant des matériaux visuels d’une simplicité désarmante, elle les transforme en compositions poétiques où l’ordinaire se charge d’un poids émotionnel inattendu. Ses œuvres, parfois teintées d’un aspect doucement apocalyptique, interrogent profondément notre humanité, nos limites, nos capacités d’adaptation.
Enfin, Yang-Ha, se propose quant à elle d’adoucir picturalement les contours de notre réalité marquée par les explosions, les conflits et la violence. Ses palettes aux tons clairs et pastel, ses arabesques harmonieuses, semblent lutter contre une vie de plus en plus aride et brutale. À travers cette douceur presque réconfortante, elle oppose une résistance subtile mais résolue à la dureté de notre époque, et s’impose comme une lumière et un espoir. Malgré le tumulte qui bouleverse notre quotidien, il nous appartient d’y infuser douceur et couleur.
Hommage au Nobel
Se tenant à part de l’exposition, au troisième étage, une salle a été aménagée pour rendre hommage au dernier prix Nobel de littérature, Han Kang. Célébrant la culture littéraire coréenne et invitant au partage, cette salle regroupe de nombreux ouvrages de l’autrice en langues diverses : français, anglais, coréen… Cette tour de Babel livresque s’offre irrésistiblement à nous, et donne plus que jamais l’envie de découvrir la prose de cette autrice qui n’a plus à faire ses preuves.
Que vous soyez, vous aussi, marqué par les mutations de notre quotidien, simple curieux ou passionné de culture coréenne, nous ne pouvons que trop vous conseiller de vous y rendre au plus vite !
Clara Tomašević
Du 07 novembre 2024 au 8 février 2025
Centre Culturel Coréen, 20 rue de la Boétie, 75008, Paris
Du lundi au dimanche de 10h3- à 18h30, et de 10h30 à 22h00 le mercredi. Entrée gratuite.
Pour en savoir plus : https://www.coree-culture.org/ordinary-world-un-regard-sur-l,6075.html