White dog

White dog

Romain Gary avait quelque peu déserté les radars du grand public comme des metteurs en scène. La puissance de son écriture comme les thématiques qu’il affectionnait, en particulier toutes les formes de racisme, justifient son retour en force dans le paysage créatif de la saison. Eric Barbier nous a en effet gratifiés d’une magnifique mise en images de « La promesse de l’aube ». Le théâtre ne sera pas  en reste avec cette adaptation de « Chien blanc », un roman au fort accent de rébellion où il est question de ces bêtes dressées pour attaquer les hommes de couleur.

Dans une mise en scène virevoltante, s’appuyant sur un foisonnement de trouvailles aussi poétiques qu’ingénieuses, quatre comédiens dont un batteur viennent bousculer le spectateur sur la question du conditionnement et de l’éducation. La symbolique du papier et de l’écriture comme fil rouge du combat incessant de la plume contre le flingue, de la connaissance contre l’obscurantisme.

Résidence Saint Priest

Grave et profond, punk et drôle à la fois, le spectacle séduit par une ambivalence savamment orchestrée. L’homme se fait animal, les voix et les personnages se croisent et s’entremêlent, soulignant ainsi l’intelligence de l’auteur à dire combien tout n’est pas tout blanc, tout n’est pas tout noir. Chaque être humain pouvant céder plus vite qu’à son tour, à la haine, par esprit de vengeance ou poussé par ses pairs.

Résidence Saint Priest

De cette lutte du poète contre le diable, naîtra l’espoir. Ce fut précisément ce qui advint en cette après-midi pluvieuse, dans cette salle du Théâtre Mouffetard. J’étais cerné par des collégiens de Lavoisier, un établissement de petits culs blancs, privilégiés et peu confrontés à la violence pas plus qu’au racisme ordinaire. Eh bien ces enfants furent merveilleusement réceptifs. A la forme –comment ne pas être séduit– mais aussi et surtout par le fond. Le temps d’une représentation, l’humanisme a remporté la bataille, faisant de cette pièce de théâtre le plus bel outil pédagogique pour parler de la différence et de la bêtise des hommes.

Résidence Saint Priest

Le pitch :

L’intrigue de White Dog se déroule dans l’Amérique des années 60 en proie à de violents conflits internes. Martin Luther King vient d’être assassiné et la communauté noire lutte sans relâche pour la défense de ses droits civiques.

C’est dans ce contexte violent que le couple formé par Romain Gary et son épouse Jean Seberg recueille un chien abandonné, nommé Batka, et s’y attache. L’animal, d’apparence si douce et affectueuse n’est pourtant pas un chien ordinaire. Par moment,  apparaissent chez lui les signes d’une incroyable monstruosité, d’une extrême sauvagerie : un basculement total du familier. « Mais qu’est-ce qu’il a ce chien ? ». Commence alors une enquête pour essayer de comprendre et tenter de guérir l’animal…

Jeux de lumière, projections, marionnettes et acteurs sont réunis pour réécrire en direct ce poignant récit autobiographique de Romain Gary. Au rythme d’une batterie jazz aux sonorités afro-américaines, les grandes pages vierges de la scène se noircissent sous les yeux du spectateur dans un déroulé haletant et cinématographique, qui raconte une société meurtrie et meurtrière, aux multiples zones d’ombre. Deux ans après R.A.G.E, la compagnie des Anges au Plafond poursuit son éclairage de l’humanisme de Romain Gary en s’attelant avec force et acuité à la question du conditionnement de l’esprit humain. Quel espoir pour le rêve de fraternité et de réconciliation lorsque bêtise humaine rime avec férocité animale et quand la manipulation prend des allures de dressage ? Peut-on désapprendre la haine ?

Résidence Saint Priest

White dog
D’après le roman : Chient blanc de Romain Gary
Mise en scène : Camille Trouvé assistée de Jonas Coutancier
Avec : Brice Berthoud, Arnaud Biscay, Yvan Bernardet et Tadié Tuéné

En tournée (incluant un passage au Théâtre du Mouffetard) jusqu’au 25 mai 2018. Consulter le site de la compagnie pour plus de détails :

https://www.lesangesauplafond.net/copie-de-calendriers

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