Les 14e Rencontres Albert Londres à Vichy se sont déroulées du 25 au 27 août 2023 : 3 jours pour tenter d’élucider l’énigme russe
« Cette époque est désaxée » (William Shakespeare)
« Il ne sert à rien à l’homme de gagner la lune s’il vient à perdre la terre » (François Mauriac)
« La vérité n’est pas ce qui est ou ce qu’on voit, mais ce qu’on raconte » (Tahar Ben Jelloun)
Pour leur 14e édition, les Rencontres ont choisi pour thème d’actualité entre audace et investigation : « Russie, Influences et Enjeux ». A travers des projections et un programme fort dense, de conférences et de tables rondes, des grands reporters et des écrivains ont apporté leur témoignage et leur regard sur notre monde d’aujourd’hui tout en suivant les pas d’Albert Londres. « On aura rarement envisagé autant de registres du mystère sous une seule et même bannière. A fortiori quand celle-ci prend les couleurs de l’agression. La guerre en Ukraine vient épaissir encore un peu plus l’obscurité ambiante. Une partie du futur mondial se joue là-bas. Et cela fait si longtemps que cela dure… », souligne Hervé Brusini, président du Prix Albert Londres, omniprésent – avec la présidente de l’association Albert Londres Marie de Colombel – durant ces trois jours à Vichy où il s’apprête, le 27 novembre prochain, à remettre le prix Albert Londres 2023.
De nouveau président de la fédération de Russie depuis 2012, Vladimir Poutine contrôle d’une main de maître les institutions russes les plus puissantes depuis plus de deux décennies, sans jamais être véritablement menacé de renversement. C’est « le retour de l’ours dans la danse ». Comptant mettre fin au monde unipolaire dominé par les Etats-Unis, et nostalgique de l’empire russe éphémère, le président Poutine, disciple de Machiavel, semble prêt à utiliser toutes les méthodes possibles les plus radicales pour retrouver les glorieuses années de domination de son pays. « J’assiste à l’écrasement d’un monde hors d’usage » constatait déjà Louis Aragon. Face aux sanctions du bloc occidental, le Kremlin se rapproche de la Chine et de l’Inde dans un contexte géopolitique en Asie du Sud très instable.
En 1920, Albert Londres, originaire de Vichy, « est le premier journaliste français qui ait réussi à pénétrer au prix des pires difficultés jusqu’au coeur même de la République des Soviets », précisait le quotidien du grand reporter. Le célèbre globe-trotter, figure tutélaire du journalisme intransigeant qui a du style, a parcouru pendant 52 jours le pays interdit qui a un pied en Europe, l’autre en Asie du nord – pour « porter la plume dans la plaie en mettant dans la balance son crédit, son honneur, sa vie ». Pour rendre compte de la situation en Russie, Albert Londres forge avec bonheur l’expression imagée « rideau de fer » qui sera reprise par Winston Churchill et par Charles de Gaulle en visite officielle à Moscou en 1966.
En effet, à l’heure de la guerre en Ukraine, chacun mesure l’importance fondamentale des journalistes en zones de conflit qui prennent tous les risques, au prix parfois de leur propre vie, pour nous informer et dissiper le brouillard de la propagande des inévitables influenceurs de plus en plus présents. En 2023, la Russie se classe à la 164e place du classement annuel de la liberté de la presse réalisé par Reporters sans frontières, reculant de 9 places à la suite de l’accélération de la propagande du Kremlin qui confond, sans aucun état d’âme, communication et information.
Christian Duteil