Le 86ème Prix Cazes a été décerné le mercredi 20 avril 2022 à la Brasserie Lipp à Paris
A l’issue de la deuxième sélection de 2022 établie le mercredi 9 mars 2022, les finalistes sont :
– Monument National. Julia Deck. Éd de Minuit (4 voix)
– 555 d’Hélène Gestern – Arléa
– Chef de Gautier Battistella – Grasset
– Blanc Résine d’Audree Wilhelmy – Grasset
– La Tour de Doan Bui – Grasset
– Le grand monde de Proust, de Mathilde Brézet – Grasset
A l’issue du cocktail, le président Joël Schmidt a annoncé les deux lauréats ex-aequo :
– Le grand monde de Proust, de Mathilde Brézet – Grasset
C’est un peuple légendaire, immense, vif comme s’il avait
vécu. Ce sont les personnages d’A la recherche du temps perdu, avec leurs
visages, leurs désirs, leurs tics, leurs mots fameux : ils sont une petite
centaine, choisis par Mathilde Brézet dans ce dictionnaire libre et passionné.
Chaque nom est un récit – parfois une apparition : récit d’une vie, mais aussi
récit d’un parcours de création. Comment est née Albertine ? Et Swann ?
Que veut nous dire Proust avec Jupien ? Pourquoi un personnage comme la femme
de chambre de la baronne Putbus, capital dans les premières versions de
l’œuvre, a quasiment disparu ? Il y a aussi les personnages sans nom mais pas
sans regard, comme le liftier ou les filles portant le lait ». Mathilde
Brézet plonge dans les aléas de l’atelier littéraire et dans les méandres du
désir de l’auteur pour ses personnages…
Nourri de nombreux et récents travaux universitaires, ce volume immense ouvre
des perspectives en citant abondamment les avant-textes du chef-d’œuvre, la
correspondance de l’auteur, et les témoignages de ses contemporains. Le regard
et le ton sont toujours personnels : ce sont ceux d’un lecteur qui parle à
d’autres, et qui ne cesse de donner à connaître ou à reprendre. Pour qui n’a
pas lu Proust, ce dictionnaire est l’occasion de se familiariser avec ses
héros, et de découvrir la richesse inouïe de son univers. Pour les proustiens
aguerris, il y a le plaisir des retrouvailles, de la découverte de ses propres
sentiments de lecture, mais aussi la surprise d’interprétations nouvelles :
tout est gracieux dans ces pages érudites, qui nous font voyager au plus beau
des pays.
– Chef de Gautier Battistella – Grasset
Les Promesses, trois étoiles au Guide et une clientèle
venue de Singapour, Dubaï ou San Francisco. Un succès retentissant confirmé par
le sacre du patron, Paul Renoir, 62 ans, tout juste élu « meilleur chef du
monde » par ses pairs. Jusqu’à ce lundi matin, où l’on découvre son corps et le
fusil de chasse avec lequel il a mis fin à ses jours. Stupeur. Le monde de la
gastronomie est en deuil. Pourquoi ce cuisinier exceptionnel a-t-il choisi d’en
finir ?
Juste avant sa mort, une équipe de Netflix était venue tourner un portrait de
Renoir. Souvenirs de famille, origine de sa vocation, étapes de son ascension :
son récit cache peut-être le secret de son suicide. A moins qu’il ne faille le
chercher dans la bataille qui fait rage autour de son héritage. Entre sa veuve,
Natalia, le sous-chef Christophe, son fils Mathias et Albinoni, le concurrent
sans scrupule, les tensions s’exacerbent. Confrontés au décès soudain de
l’ogre, prétendants au trône, conspirations et joute des egos vont se révéler.
Chef, c’est aussi l’histoire de la cuisine française depuis la Seconde Guerre
mondiale. Paul a tout appris de sa grand-mère, une amie d’Eugénie Brazier,
l’emblématique « mère lyonnaise ». Les femmes ont inventé la gastronomie, avant
que les hommes ne se l’approprient et ne la rendent célèbre. Aux côtés des
Bocuse, Loiseau ou Ducasse, Paul Renoir accompagne la naissance de la Nouvelle
Cuisine dans les années 1970, prémisses à la starisation actuelle des chefs.
Premier grand roman consacré à la cuisine française, Chef peint
l’exigence d’un monde macho, violent, où la drogue, l’alcool et le sexe sont
souvent les seuls moyens de tenir. En contrepoint, il donne à voir la complicité
des brigades et la conscience d’exercer un métier d’artisan et de passion. Un
livre de chair et de sang et le portrait d’hommes simples, acharnés à
réinventer la magie, la beauté, l’excellence.
Chaque lauréat reçoit la somme de 2000 € (4000 € divisé par 2) et 1000 € de repas à la Brasserie Lipp
Le jury, les lauréats, accompagnés d’amis et d’invités prestigieux – dont It Art Bag – se sont retrouvés ensuite dans un salon du premier étage autour d’un délicieux déjeuner offert par la brasserie Lipp. Au menu : pâté en croute (trompettes de la mort, pistaches, salade verte), pavé de thon mi-cuit accompagné de sa piperade, mille-feuille et ses framboises.
Le jury du Prix Cazes 2022 :
Joël Schmidt (Président) ; Claude Guittard (Secrétaire général) ; Mohammed Aïssaoui ; Gérard de Cortanze ; Nicolas d’Estienne d’Orves ; Christine Jordis ; François-Guillaume Lorrain ; Carole Martinez ; Eric Roussel ; Léa Santamaria (librairie Libres Champs)
Le jury et les lauréats :
L’histoire du Prix Cazes de 1935 à 2020 (pas d’édition en 2021 cause covid)
Le Prix Cazes est l’une des plus anciennes distinctions littéraires. Cette récompense, créée à l’initiative de Marcelin Cazes – qui a repris la brasserie Lipp en 1920 – continue, au fil des décennies, à révéler des auteurs prometteurs. Comme il avait une clientèle très “intellectuelle”, Marcelin Cazes eut l’idée en 1935 de créer un prix littéraire qu’il décernait chaque année au mois de mars et qu’il dotait à l’origine d’une somme de deux mille cinq cents francs. (à présent, la dotation est un chèque de 4000 euros et 1000 euros de table ouverte chez Lipp) Le Prix Cazes récompense un auteur pour un roman, un essai, une biographie, des mémoires ou recueils de nouvelles. En quelques années, le prix Cazes est devenu “l’événement littéraire du printemps” (contrairement aux autres grands prix, remis à la rentrée) qui mobilisait le monde littéraire et journalistique parisien.
Photos : Véronique Spahis