Zao Wou Ki, L’espace est silence.
Le sous-titre de l’exposition du Musée d’art Moderne de la Ville de Paris est extrait d’un texte signé Henri Michaux. Il aurait tout aussi bien pu l’être par Edgar Varèse autre ami de l’artiste Chinois ou par Monet ou encore par Turner chez qui, déjà, la lumière dévorait le réel ; le réel contenu, limité, borné et l’ouvrait au silence de l’illimité.
Le patriarche de Giverny peignait des jardins-cosmos, hors-sol, suspendus dans la lumière. Zao Wou Ki a peint des cosmos-jardins où fleurit la lumière. Des cosmos où jaillissent, de profondeurs insondables, des poussières d’étoiles où s’irisent à des altitudes vertigineuses, des milliers de paillettes dont on ne sait si elles proviennent de lointaines galaxies ou si elles plongent vers des abysses océanes, à moins que le pinceau de l’artiste ne les ait saisies lors de leur voyage immobile au cœur d’un silence intergalactique brassé de grandes houles bleues, bordé de végétations fuligineuses, cerné sans être jamais limité ; toujours infini. Le silence est un espace.
Contrairement à certains de ses camarades du mouvement de l’abstraction lyrique tellement inscrits dans l’agitation des années 50, Zao Wou Ki cherche le silence et l’espace. Zao Wou Ki crée le silence et l’espace.
Un silence qui invite à la méditation – silencieuse – comme il se doit.
Il faut voir ce qui n’est pas si fréquent – dans cette exposition – les visiteurs s’asseoir et demeurer longuement devant le ou les tableaux qui plus que d’autres les fascinent, engagés dans un dialogue muet avec l’œuvre.
Un espace a-dimensionnel, un espace cosmique, non fini, non défini où la couleur explose du plus sombre au plus lumineux, du plus rugueux au plus lisse, au plus transparent. Un espace sans fin que se disputent des lumières d’aurore et des orages crépusculaires. Un espace-temps où, comme sur un palimpseste, la culture désirée par l’artiste, cette culture occidentale qui l’a attiré à Paris, ses signes, son vocabulaire bien qu’abstraits, laisse entrevoir ici et là la profondeur de la culture orientale de Zao Wou Ki.
Ce back-ground Chinois venu des profondeurs d’une civilisation plurimillénaire, fait bien plus que remonter à la surface dans la salle consacrée aux encres de grandes dimensions réalisées sur papier dans les années 2000. L’artiste y renoue avec le pinceau et l’encre de Chine qui en Orient sert autant à écrire qu’à dessiner. Graphie du peintre et graphie de l’écrivant , un seul et même geste sur lequel Henri Michaux a écrit de si belles pages.
On se réveille soudain devant le panneau – fin de l’exposition – On sort du rêve. On veut y retourner. Alors on refait un tour. A nouveau on cherche un siège. On s’immerge encore une fois.. On embarque encore une fois pour l’espace rêvé par Zao Wou Ki.
On regrette seulement que ce soit déjà fini.
Mais on peut y retourner.
Jusqu’au 6 janvier 2018
Zao Wou Ki, L’espace est silence.
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
12-14 avenue de New York
75016 Paris.
Entrée côté Seine : 12-14 avenue de New York 75116 Paris
Ouvert du mardi au dimanche de 10h00 à 18h00 (jeudi jusqu’à 22h00) – fermé le lundi
Pierre Vauconsant