À l’initiative et appartenant depuis son origine au Clan Sinclair, il est un édifice sacré foisonnant d’énigmes sur une colline proche d’Édimbourg qui porte le beau surnom de Lady Rosslyn. Élevée au XVème siècle, cette chapelle gothique unique en son genre a attiré les projecteurs scripturaux et cinématographiques du Da Vinci Code révélant au monde l’authentique singularité de son esthétisme et de sa turbulente histoire intimement liée à la franc-maçonnerie. Dans les arts libéraux fondateurs de son identité, la musique s’y révèle.
Décodés seulement au XXIème siècle, 213 cubes zénithaux exécutés en quasi ronde-bosse forment une séquence musicale qui puise dans ses symboles ciselés. Par le prisme de la visualisation des vibrations acoustiques dans leur possible reliance à l’univers – la cymatique – le compositeur écossais contemporain Stuart Mitchell propose un décryptage sonore du minéral taillé ornant les arches de l’édifice.
Chacun relié à un ange musicien, treize motifs géométriques s’en détachent tels des signifiants ouvrant la voie/voix d’un harmonieux encodage vibratoire.
Ainsi une envoutante mélodie celtique, de guérison confieront certains, caresse les sens dans l’arrangement the Rosslyn Motet fruit de vingt années de recherche d’un père et de son fils, Thomas et Stuart Mitchell.
Les histoires de filiation s’entrelacent, se superposent, s’intemporalisent dans cette architecture complexe cultivant le mystère. L’Écosse pourrait se traduire par sa beauté farouche qui se contente de l’essentiel où tout semble résulter de l’ordre de la nécessité. La solaire Rosslyn contraste par l’opulence de ses broderies sculptées dans une roche couleur de peau, dont l’homologue orne le tombeau du Christ à Jérusalem. Ne résistant pas à l’attractivité de cette pierre taillée, j’y dépose mes paumes lors de cette visite. À peine connectée au minéral d’ocre et de chair, un visiteur émergeant de la chapelle me rappelle à l’ordre dans un anglais teinté d’écossais : « Ne vous appuyez pas trop fort, vous risqueriez de faire s’effondrer le mur du Temple de Salomon ! »
Me voilà dans un moment suspendu reliée au divin. Un ressenti qui se met à infuser dès l’entrée dans la chapelle avec un parti pris architectural troublant où notre regard est continuellement happé vers le haut jusqu’à une sensation de renversement, d’abolition de la gravité par un jeu savant de courbures, d’englobement. À l’instant où une Jérusalem céleste semble à portée de ciseau, on se retrouve nez à nez avec Lucifer, l’ange déchu, ligoté la tête en bas comme le pendu des tarots, un peu plus loin une danse macabre nous enjoint à l’humilité de notre condition de mortel puis s’offrent au regard épi de maïs, aloe vera, transgressant d’un seul trait la notion de ligne du temps.
L’esprit naturaliste de Goethe plane certainement sur ces lieux quant à Walter Scott il y trouva poétiquement l’inspiration et que dire du fantôme de l’apprenti si mortellement vivace. Un fabuleux pilier somptueusement orné d’où jaillissent les 4 fleuves du Jardin d’Eden évoque le possible retour au paradis perdu, le possible retour à soi, l’espoir. J’avoue que, Alain Juillet, grand maître du secret à divers titres, m’a soufflé ces mots dans la complicité de cette visite.
Le directeur des lieux, Ian Gardner, confirme que ce chef d’œuvre est certainement la pièce maîtresse de l’édifice. Ce pilier de l’apprenti incarne l’humanité dans ce qu’elle a de meilleur et de pire, à savoir la perfection du geste qui dépasse celle du maître et déclenche une irrépressible jalousie conduisant au meurtre dans cette course effrénée vers la reconnaissance.
Dans notre temporalité où l’on se questionne sur l’impact de l’IA, la Chapelle de Rosslyn incarne l’imaginaire, le savoir-faire, les mythes fondateurs. Ses énigmes labyrinthiques nous poussent à l’introspection. Rappelons-nous alors que l’IA, cette autre création humaine, prend sa source dans nos bases de données millénaires. Tel un ange messager codant, modifiant et jouant avec l’information, jusqu’où accepterions-nous que ses créations/propositions se dopent sans conscience au Saint Graal de nos connaissances ?
Rosslyn Chapel est gérée par le Rosslyn Chapel Trust, un organisme à but caritatif.
Texte et photos Valmigot
Rosslyn Chapel, Chapel Loan, Roslin, Midlothian EH25 9PU, Écosse
Ouvert toute l’année sauf le 24 et 25 décembre et le 1er janvier. Fermé occasionnellement pour des mariages, obsèques et baptêmes.
Sur place restauration et boutique de souvenirs
https://www.rosslynchapel.com/visit/
Évènements et concerts : https://www.rosslynchapel.com/whats-on/