Longtemps négligée par les institutions, la peinture figurative a le vent en poupe, en particulier ses grands représentants des années 1960. Le Centre Pompidou à Paris présente, jusqu’au 26 février 2024, la première grande rétrospective du peintre français Gilles Aillaud (1928-2005). Intellectuel et philosophe, l’artiste est aussi un amoureux des animaux, sujet auquel il consacre une grande partie de sa carrière et que l’exposition met en lumière.
L’exposition débute par un ensemble de toile montrant des animaux enfermés dans des zoos bâtis par les humains, de véritables « jungles de béton », qui évoquent l’artificialisation du monde en cours dans la seconde moitié du XXème siècle. Gilles Aillaud se sert de la figure animalière emprisonnée pour dépeindre la relation ambiguë de l’homme à la nature, et la solitude particulière qui en découle. « Ce n’est pas directement la condition humaine que je peins. L’homme n’est pas dans la cage sous la forme du singe mais le singe a été mis dans la cage par l’homme », explique l’artiste après sa présentation au Salon de la Jeune Peinture de la toile Intérieur vert (1964), qui montre un phoque enfermé dans un camaïeu de verts angoissant.
Cette première partie contraste avec les grands horizons africains, fruits du voyage de l’artiste au Kenya en 1988, où il peint pour la première fois des animaux libres, dans des vues méditatives, telle que celle de ses oiseaux volant paisiblement au-dessus d’un lac dans Les oiseaux du lac Nakuru (1990). La même année, il se lance dans la réalisation de 194 lithographies pour son Encyclopédie de tous les animaux, y compris les minéraux, un vaste projet mené avec l’éditeur Franck Bordas et achevé en 2000.
La peinture de Gilles Aillaud a aussi un versant politique beaucoup plus transparent, que l’exposition montre brièvement. En Mai 68, il était l’une des figures de proue parmi les créateurs d’affiches et de slogans militants et l’une de ses œuvres majeures la Bataille du riz (1968), côtoie ses représentations animalières pour témoigner de son opposition à l’impérialisme américain. Sa représentation des « gueules noires » dans une mine dans Réalité quotidienne des travailleurs de la mine (1971), fait pour sa part allusion à l’accident de Fouquières-lès-Lens, où seize miniers sont morts d’un coup de grisou en 1970, où l’artiste confronte à nouveau le vivant à ses structures d’enfermement et de contrôle.
Julie Goy
Du 4 octobre 2023 au 26 février 2024
Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou 75004 Paris
Du mercredi au lundi de 11h à 21h