Arrivé à Paris en 1948, officiellement pour y suivre des études de médecine, T’ang Haywen ne quittera plus la France. Il découvre un pays où la création est en pleine effervescence. Comme d’autres artistes étrangers, il s’y confronte à la modernité occidentale et, à l’image des premiers artistes chinois venus à Paris pour se former, dont Zao Wou-Ki (1920-2013) ou Chu Teh-Chun (1920-2014), il devient une des figures marquantes de ce foyer bouillonnant de vie artistique qu’est alors Montparnasse.
Initié à la calligraphie par son grand-père au Vietnam, sa peinture s’impose comme un vibrant trait d’union entre la tradition asiatique de l’encre monochrome pure et l’influence occidentale de la couleur éclatante, entre figuration et abstraction, ou plutôt la « non-figuration » comme il préférait la décrire.
« J’ai trouvé ma vocation dans la peinture… je ne pensais pas que cela puisse plaire à nos parents… c’est une affaire très grave, où il ne peut être question, honnêtement, de chercher la réussite pour elle-même… La réussite doit, pour être véritable, être tout à fait sincère. Une fois qu’un peintre s’est trouvé, alors il peut travailler pour les autres, il le doit, mais il ne peut pas le faire avant… Je ne pourrai ni ne veux abandonner cette vocation. »
L’exposition T’ang Haywen : un peintre chinois à Paris (1927-1991) présente une large sélection de l’exceptionnelle donation de 202 œuvres et environ 400 pièces d’archives personnelles au musée Guimet, effectuée par la Direction nationale d’interventions domaniales en 2022. Les œuvres remises à Guimet faisaient l’objet d’un trafic d’œuvres d’art : saisies par l’État, elles ont été sélectionnées en lien avec les équipes du musée.
Le parcours dévoile un panorama des grandes étapes de sa carrière, ainsi que l’essentiel des facettes du travail d’un artiste qui recherchait, selon ses propres mots, « une peinture idéale, unissant le monde visible et le monde de la pensée ». Ses premières années à Paris sont illustrées par quelques études à l’aquarelle et à la gouache, influencées par la peinture des grands maîtres tels que Paul Cézanne, Henri Matisse ou Paul Klee. Son style propre s’affirme dans ses paysages abstraits et calligraphiques des années 1960, entre couleurs vives et monochromes.
La période à partir du début des années 1970 jusque vers 1983-84 est évoquée par des peintures à la gouache ou à l’encre, polychromes ou monochromes. Les années 1970 voient s’épanouir son format de prédilection, le diptyque. Des formats plus importants, présentés dans l’exposition, permettent à T’ang Haywen de donner à voir des paysages abstraits à l’encre monochrome, tandis que les petits formats, papiers pliés, diptyques et triptyques des années 1980-1985 montrent une pleine maîtrise de son geste et de son pinceau. Ces œuvres expriment le dynamisme et la tension taoïste entre le plein et le vide, le noir et le blanc, le monde visible et le monde de la pensée.
Du 6 mars au 17 juin 2024
Musée national des arts asiatiques – Guimet, 6 place d’Iéna, 75116 Paris
Photos : Véronique Spahis