François Chifflart, l’artiste insoumis : un des grands illustrateurs de Victor Hugo

Y a-t-il de plus grand charme que de découvrir les œuvres magistrales d’un artiste méconnu, aujourd’hui oublié du plus grand nombre, qui a pourtant connu son heure de gloire sur les bancs de l’Académie ? C’est bien le sort de François Chifflart sur lequel se penche l’intime Maison Victor Hugo, situé Place des Vosges à Paris, lors d’une exposition « François Chifflart, l’insoumis », qui se tient du 7 novembre 2024 au 23 mars 2025.

Peintre d’histoire et maître de l’eau-forte, François Chifflart incarne un esprit libre et une audace rare. Alors qu’il est récompensé en 1851 par le prestigieux Prix de Rome, il se distingue assez tôt par son tempérament insoumis et sa volonté de préserver une forme d’originalité, défiant souvent les règles académiques de son époque.
À son retour de Rome, il cherche à se faire connaître sans le soutien officiel de l’État, et pour pallier ce manque de reconnaissance, publie avec son beau-frère Alfred Cadart un album de ses œuvres, réunissant gravures et photographies ; une démarche novatrice pour son temps.



L’aspect génial de sa personnalité est notamment mis en lumière lors du Salon de 1859, où il présente deux fusains qui découvrent un Chifflart romantique, inattendu pour un ancien prix de Rome. Animant les nuits de Faust au combat, ainsi qu’au sabbat, ses compositions commentées par Théophile Gautier et Baudelaire deviennent célèbres. L’expression d’une forme de furia michelangelesque le distingue de ses contemporains, et peu à peu, le Noir et Blanc prennent de l’importance dans son oeuvre. Les commandes n’arrivant pas, il se réfugie dans l’eau-forte. Elle deviendra pour lui un exutoire, une sorte de journal intime.


Néanmoins, en 1867, Chifflart reçoit une commande déterminante : illustrer Les Travailleurs de la mer de Victor Hugo. Admirateur fervent de l’écrivain, il se rend à Guernesey pour le rencontrer sur son rocher, et faire dialoguer leurs esprits. Ce projet nourrit une relation intense entre les deux hommes, marquée par une correspondance, dont sont exposées les traces durant l’exposition…



Cette expérience confirme Chifflart dans son ambition artistique, faisant de lui un interprète emblématique de l’œuvre de Hugo.



Tout au long de sa carrière, il reste attaché aux thèmes de la peinture d’histoire, bien que celle-ci ne soit pas toujours bien comprise. Il se consacre également à la gravure, technique qu’il va perfectionner dans sa série de quinze gravures, intitulée « Improvisations sur cuivre » (1865). Là, il révèle une dualité intrinsèque : Chifflart, classique par formation, romantique par tempérament. Ces œuvres lui permettent de rester dans le circuit artistique alors qu’il s’isole progressivement, loin des tendances dominantes.
Touché par les événements politiques de son temps, lors du siège de Paris et de la Commune en 1870, il documente les combats dans ses dessins pour la presse, apportant un témoignage visuel sensible. A cette époque, il illustre la Chanson de Roland et devient l’auteur d’une célèbre représentation de l’Attaque de Notre-Dame de Paris par les truands que vous pourrez contempler lors de l’exposition.



Dernier souffle de sa carrière déçue, il reçoit de nouvelles commandes d’illustrations pour l’édition complète des œuvres de Victor Hugo, en particulier pour La Légende des siècles, où il renoue avec le fusain.
Dans la dernière salle de l’exposition sont mis en valeur cinq fusains très importants, qui témoignent de l’aboutissement de son œuvre et incarnent l’esprit de La Légende des siècles, dans laquelle l’Histoire est revisitée, sublimée, mystifiée.



Toutefois, après ces quelques réussites, Chifflart finit ses jours isolé et appauvri, sa peinture d’histoire n’ayant jamais atteint la reconnaissance qu’il espérait… Ses œuvres, redécouvertes aujourd’hui, témoignent de son parcours atypique et de sa passion pour un idéal romantique, faisant de lui un artiste inclassable, résolument libre !

Suzie Zanetta

Exposition du 7 novembre 2024 au 23 mars 2025.

Maison Victor Hugo, 6 Place des Vosges, 75004 Paris
Ouvert tous les jours de 10h à 18h, sauf les lundis
maisonsvictorhugo.paris.fr

Commissariat de l’exposition : Gérard Audinet, directeur des Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey et Valérie Sueur-Hermel, conservatrice générale du Patrimoine, responsable des collections du XIXe siècle, département des Estampes et de la Photographie, Bibliothèque nationale de France.
Catalogue : “François Chifflart. L’insoumis”. Textes de Gérard Audinet et Valérie Sueur-Hermel Format : 22 x 27,5 cm, broché, 192 pages, 175 illustrations. Éditions Paris Musées – Tarif : 30 €.