« Ici, l‘invisible devient visible, et l’intangible prend forme, tissant des liens grâce à la puissance unificatrice de l’imagination » Sislej Xhafa, commissaire d’exposition de Silent Threads, Resounding Kosova explique. Cette exposition collective inédite rassemble 15 artistes Kosovars et s’invite dans l’espace de la Galeria Continua dans le Marais à Paris pour notre plus grand bonheur.
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Sislej Xhafa, artiste Kosovar dédié au rayonnement de l’art contemporain de son pays, met en lumière dans cette exposition une production artistique puissante et variée. Il rassemble 15 jeunes artistes de disciplines différentes rencontrés pour la plupart lors de la biennale internationale Manifesta 14 à Prishtina au Kosovo.
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Le nom choisi, Silent Threads ou ‘les fils silencieux’ parle des fils qui relient les personnes ensemble, faisant référence ici à la culture qui ‘vient d’en bas’ qui s’élève silencieusement notamment grâce à l’art. Les oeuvres présentes dans la galerie ont pour seul point commun l’origine de leurs créateurs : le Kosovo. Pays le plus jeune d’Europe avec un âge médian de 32 ans, il est souvent oublié par les politiques et en proie à de nombreux clichés et stéréotypes. Ces quinze artistes viennent à Paris partager leur vision artistique individuelle et mettre en lumière les fils qui les unissent à savoir, mémoire, culture, imagination et vision du futur.
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Nous parlerons ici que de quelques oeuvres mais ne pouvons que vous recommander d’aller voir l’ensemble des talents présentés à la Galeria Continua parisienne par vous-même.
Dès le début nous nous sommes arrêtés longuement sur le triptyque incroyable et hypnotisant de Brilant Milazimi (2024). Représentant un groupe de personnes autour d’une table avec une apparence presque spectrale, il montre l’homme dénué de tous ses artifices, avec une palette de couleur extrêmement sombre. En l’absence de distraction comme des objets sur la table, des vêtements ou même de la chair sur leurs corps, est véritablement questionnée la manière dont on se sent sans masques face aux autres.
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Luan Bajraktari, prête deux sculptures de bronze à l’exposition. Avec une grande ironie et de manière plutôt simple il utilise des objets très communs porteurs d’une symbolique sociale forte. Sa première oeuvre est un portefeuille placé sur un petit monticule, presque au niveau du sol. En le plaçant si proche du sol il aborde de manière légère et absurde les stéréotypes auxquels les Kosovars peuvent faire face et tente presque le visiteur curieux à le soulever. L’objet, pourtant si banal est hautement personnel : enveloppant l’identification par les papiers, la classe sociale, et les finances d’un individu, il est un symbole politique fort. Sa deuxième oeuvre de bronze, nichée en haut d’une cage d’escalier, représente des salamis sur une barre en bois. Marqueur puissant de la culture Kosovar, de la famille et du temps qui passe, le salami ne passe pas inaperçu dans cette galerie du marais.
Dans ce même style de l’utilisation de l’objet banal et familier, on retrouve les huit illustrations de Artan Hajrullahu peintes depuis 2021. Aussi enseignant au lycée des Arts Visuels de Gjilan au Kosovo, il explore de manière presque infantile de nombreux thèmes liés à la société et à l’enfance. À la croisée du dessin et de la peinture, ses oeuvres sont présentées sur des petits supports très modestes renforçant leur côté intime. En plus d’interroger des thèmes pertinents, ses oeuvres sont d’une harmonie rare.
Nous pourrions parler en longueur de tous les artistes présentés comme Ermir Zhinipotoku qui joue avec l’esthétique du cauchemar en peignant des toiles qui évoquent des figures floues ambiguës. Nous pensons aussi au tableau touchant et réaliste de Valdrin Thaqi qui capture, par son jeu d’ombres et de lumières, la douceur et l’émotion d’une femme qui se tient la tête entre les mains. Les poules sinistres de Jeton Gusia font aussi un usage de la matière particulièrement intéressant qui en fait ressortir tous les détails. De quoi vous convaincre d’aller découvrir ces artistes avant que leurs oeuvres ne reparte dans les Balkans.
Les autres artistes méritent tous une attention particulière : Arianit Beqiri, Burim Berisha, Agron Blakçori, Blerta Hashani, Hatixhe Ibrahimi, Lumturie Krasniqi, Mimoza Liza, Petrit Maliqi, Dardan Zhegrova.
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Sislej Xhafa apporte donc une vision sociale intéressante, tout en vous faisant découvrir une génération d’artistes Kosovars méconnus. Quasiment inédite, la plupart des artistes exposent leurs oeuvres à Paris pour la toute première fois, et certainement pas la dernière. Ainsi que vous soyez férus d’art contemporain ou curieux de découvrir une infime partie de la culture Kosovar, venez découvrir Silent Threads, Resounding Kosova en plein coeur de Paris.
Laetizia Pietrini
jusqu’au 19 Mars 2025
GALERIA CONTINUA, 87 Rue du Temple, 75003 Paris
Du Mardi au Samedi de 11h à 19h.