Palais Galliera : une histoire du corps en liberté

Jusqu’au 12 octobre 2025 on retrouve au Palais Galliera le troisième et dernier volet de l’exposition La Mode en Mouvement qui retrace l’évolution de la mode liée à aux activités physiques et sportives.

L’histoire du mouvement

Comme souvent, la mode est un prisme passionnant par lequel observer l’histoire. La Mode en Mouvement #3 met en lumière l’émancipation du corps, en particulier celui des femmes par le moyen le plus évident : son mouvement. Car pour pouvoir revendiquer des droits, il faut pouvoir marcher, courir, sauter – tout simplement bouger librement dans ses habits.



Les 180 pièces de l’exposition illustrent comment, au fil des décennies, les vêtements se sont transformés pour permettre plus de liberté corporelle et s’adapter aux pratiques sportives.
Dès la fin du XIXe siècle, on observe une première évolution : le pan de robe se relève pour faciliter la promenade dans les jardins, les corsets se desserrent, laissant les femmes respirer.
Parmi les pièces les plus marquantes présentées dans La Mode en Mouvement #3, la garde-robe de la princesse Cécile Murat illustre avec éclat cette adaptation du vêtement féminin aux exigences du corps en action. Passionnée d’équitation et de chasse à courre, elle adopte une tenue d’amazone à la fois élégante et fonctionnelle, composée d’une jaquette, d’une culotte en maille et d’une jupe fendue, pensée pour libérer les jambes tout en maintenant une allure impeccable.



Elle emprunte également des codes au vestiaire masculin : hauts-de-forme, melons, tricornes, tous signés par des chapeliers renommés comme Motsch ou Hiekel. Détail saisissant : chacun de ses couvre-chefs est doté d’un monocle discret fixé sous la passe, permettant à cette cavalière myope de galoper à pleine vitesse sans perdre en précision.

Progressivement, les marques commencent à créer des vêtements spécifiquement pensés pour les activités sportives féminines. C’est là que la mode devient un véritable vecteur d’émancipation. Vêtements de bain, tenues de tennis de plus en plus pratiques, matières plus souples et moins précieuses.



À quelques pas, une tenue d’escrime attire aussi l’attention. Ce sport, longtemps réservé aux hommes, marque l’entrée des femmes dans l’arène du mouvement. Celles qui s’y initient adoptent des tenues plus pratiques, souples et fonctionnelles – amorçant ainsi une transformation discrète mais décisive de leur garde-robe.



Les années 1910 : vers une libération du corps

Entre Belle Époque et modernité, les années 1910 marquent une période de transition cruciale. Le couturier Paul Poiret en est la figure emblématique. Dès 1908, il bannit le corset au profit de coupes droites et souples, et introduit des ceintures baleinées qui structurent la silhouette sans l’entraver. Les robes se font plus fluides, les manteaux, bien que parfois contraignants, amorcent cette dynamique de transformation.

À Paris, les maisons de couture de la rue de la Paix et de la place Vendôme – Premet, Chéruit, Paquin, Worth… – créent pour une clientèle active, mondaine, en quête de tenues à la fois tendances et confortables. Les femmes gagnent en autonomie dans leurs gestes, préfigurant les mutations imposées par la Première Guerre mondiale, qui bouleverse radicalement les usages. Forcées d’endosser les rôles des hommes mobilisés, les femmes s’émancipent, et leur vestiaire s’en ressent : il se raccourcit, se simplifie.



Le vêtement automobile

La voiture, nouveau symbole de liberté au début du XXe siècle, entraîne avec elle toute une garde-robe pensée pour affronter la vitesse, le vent, la poussière. Le Palais Galliera présente une fascinante série d’archives dédiées à la mode automobile féminine : bonnets, lunettes, gants longs, manteaux épais, et pièces en fourrure, essentielles pour se protéger dans les véhicules décapotables de l’époque (parmi elles, une cagoule iconique signée Schiaparelli, visible sur la photo ci-dessous : mélange de sophistication et de fonctionnalité, elle incarne à merveille ce moment où la mode s’adapte aux nouvelles activités et mouvements).



Le vêtement de baignade

Autre terrain de conquête : la mer. Les premières baignades publiques témoignent elles aussi de l’évolution de la garde-robe féminine. L’exposition présente de rares archives vidéos de femmes s’aventurant dans l’eau avec de lourdes tenues en coton, bien loin du maillot deux-pièces d’aujourd’hui.



Les affiches Harper’s Bazaar exposées montrent comment, dans les années 20, les sports aquatiques deviennent un phénomène de mode, associé à l’idée de loisir, de santé et de vacances au bord de la mer. Le vêtement de bain évolue avec les mœurs : plus court, plus ajusté, il accompagne les mouvements, et libère encore un peu plus les corps.


Jean Moral : la mode en liberté

Les photographies présentées ci-dessous sont signées Jean Moral, figure incontournable de la photographie de mode des années 30. Dès 1933, engagé par Harper’s Bazaar, il s’éloigne des studios pour capturer ses modèles en extérieur, dans des scènes de vie quotidiennes : en marche dans les rues de Paris, riant sur les quais, se mouvant avec spontanéité.
Connues pour leur énergie et leur fraîcheur, ses images tranchent avec les poses figées de l’époque. Jean Moral réalise aussi des photomontages à partir de négatifs sélectionnés, qu’il assemble en petites séquences. Ces séries donnent une impression de mouvement fluide, presque cinématographique, et renforcent l’idée d’un vêtement fait pour vivre, marcher, respirer.


Les sports d’hiver

Le dernier volet de l’exposition plonge le visiteur dans l’univers des sports d’hiver, à travers une magnifique sélection d’archives. On y retrace l’essor des stations de montagne dès le début du XXe siècle, avec l’apparition de nouvelles disciplines sportives : ski, luge, hockey, patinage…


Affiches rétro, vêtements techniques luxueux et objets iconiques ponctuent ce parcours. On retrouve notamment une combinaison blanche portée par Dalida, un bonnet en fourrure signé Yves Saint Laurent, ou encore une combinaison Fusalp orange des années 60 qu’on aimerait tous essayer.


C’est aussi l’occasion de suivre l’évolution des accessoires comme les premiers masques de ski ou les après-ski futuristes. Les grandes maisons de luxe comme Hermès ou Madeleine de Rauch, mais aussi des marques spécialisées comme Rossignol ou Fusalp, ont toujours proposé des collections à la fois techniques et élégantes au fil du temps.


Une exposition incontournable

L’exposition bénéficie de prêts prestigieux : CHANEL, le Musée National du Sport, la Fondation Azzedine Alaïa, les archives Balenciaga, Fusalp, Jean-Charles de Castelbajac, le Coq Sportif… et bien d’autres.



La Mode en Mouvement #3 ne se contente pas de raconter l’histoire d’un style aux sports d’hiver. Elle révèle comment, à travers le vêtement, les femmes ont gagné du terrain dans l’espace public, le sport, et la société. En ordre chronologique et sous une luminosité qui permet de préserver et mettre en avant les vêtements, l’exposition est signée Miren Arzalluz et Marie-Laure Gutton.

Laetizia Pietrini

jusqu’au 12 octobre 2025

Palais Galliera,10 Avenue Pierre 1er de Serbie, 75116 Paris
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, les vendredis jusqu’à 21h.