“Candide ou l’Optimisme” de Voltaire au Théâtre de Poche-Montparnasse

Au Théâtre de Poche-Montparnasse, le conte philosophique Candide ou l’Optimisme est mis en scène par Didier Long et interprété par Charles Templon, Cassandre Vittu de Kerraoul et Sylvain Katan. Œuvre intemporelle, l’invitation de Voltaire à « cultiver notre jardin » nous plonge dans une vision lucide du monde s’opposant frontalement à l’optimisme de Leibniz.

Publié anonymement à Genève en janvier 1759, Candide ou l’Optimisme fut l’un des plus grands succès littéraires francophones. Dans ce roman d’apprentissage, Voltaire raconte l’histoire d’un jeune homme — Candide — lancé à la poursuite de sa chère Cunégonde, à travers une Europe dévastée.

À travers sa fiction, le texte interroge un débat philosophique majeur du XVIIIᵉ siècle, portant sur le fatalisme et la question de l’existence du Mal.

Avant de voir Candide : Comprendre les principes philosophiques de Leibniz

Dans ses Essais de Théodicée (1710), Leibniz affirme que « cette suprême sagesse, jointe à une bonté qui n’est pas moins infinie qu’elle, n’a pu manquer de choisir le meilleur », et que notre monde est « le meilleur (optimum) parmi tous les mondes possibles » (§8). Il pose ainsi la question de la volonté divine qui soutient le monde existant. Le monde que Dieu décide de porter à l’existence résulte de la combinaison entre ce qui est logiquement compossible et ce qui est moralement meilleur. Guidé par la moralité, la recherche du bien, Dieu aurait choisi ce « meilleur des mondes possibles » pour devenir le nôtre.
Leibniz développe aussi son principe de raison suffisante, qui repose sur la question suivante : de quoi la raison a-t-elle besoin ? Selon lui, la raison exige du sens ; il s’agit du principe nécessaire pour philosopher. En clair, la philosophie n’a du sens que si elle présuppose que la réalité qu’elle côtoie est, elle-même, pleine de sens. Ce principe de raison suffisante est au cœur de la pensée de Leibniz, et Hegel fondera sa philosophie dessus.
Voltaire s’oppose par ailleurs à une autre thèse de Leibniz : celle de l’harmonie préétablie. Selon Leibniz, même si les créatures de l’univers semblent agir de manière indépendante, tout serait en réalité coordonné et orchestré par Dieu pour fonctionner harmonieusement. Dans Candide, Voltaire tourne cette idée en dérision, par le dévoilement d’un monde meurtri par l’absurdité et la souffrance.

En résumé, pour Leibniz, la perfection de Dieu ne fait pas de ce monde un endroit sans défaut. Même s’il est le « meilleur possible », il reste imparfait. Le mal y existe ponctuellement, mais il serait toujours compensé ailleurs par un bien infiniment grand.

Voltaire contre l’optimisme leibnizien

Dans son conte philosophique, Voltaire s’oppose aux idées de Leibniz. Le personnage-philosophe de Pangloss incarne la pensée de Leibniz, en défendant l’idée que nous vivons dans « le meilleur des mondes possibles ». Voltaire se moque de cette vision qu’il estime comme naïve du monde, jugée insensée face aux souffrances et injustices observées.

Tandis que Charles Templon incarne le rôle de Candide tout au long de la pièce, les comédiens Cassandre Vittu de Kerraoul et Sylvain Katan opèrent de multiples transformations. Une belle énergie se déploie sur scène, portée par des jeux qui se répondent, créant ainsi une véritable osmose entre les comédiens.

« Si c’est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres ? » Ainsi, Candide se questionne face aux drames qui le frappent. Découvrez cette pièce brillante, à voir jusqu’au 4 mai au Théâtre de Poche-Montparnasse.

Agathe Comby

Théâtre de Poche-Montparnasse, 75 Boulevard de Montparnasse, 75006 Paris

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