Boudoir : duel au soleil
Douceur, bienveillance, gentillesse, générosité… non, vous n’êtes pas occupés à lire la brochure vantant les mérites d’une secte hippie-bouddhiste installée au fin fond de l’Ariège, où ses membres sous emprise dorment au milieu des chèvres et se nourrissent uniquement de racines. Mais bien une chronique Vents d’Orage consacrée à une des belles découvertes musicales de ces derniers mois. De racines et d’emprise, il en sera pourtant question tant le duo Armelle Yons & Rémi Auclair parvient à retrouver avec force et passion les origines de la meilleure des chansons françaises. Pour la magnifier, pour la réinventer. Tant ils savent avec une aisance déconcertante à envouter leur monde, sans chichis, sans prétention, sans effet superfétatoire aucun.
Le talent tient de l’injustice la plus totale. Quelques élus en reçoivent le don plus que d’autres. Creusets des plus beaux textes, récepteurs des plus belles ondes mélodiques, ceux-là se trouvent comme foudroyés par l’élégance, irradiés par le sensible et l’invisible. Boudoir possède cette faculté de se réapproprier les joyaux rouges, verts ou noirs de géants qui, avant eux, inventaient une exception française dépassant les frontières de notre beau pays. De Gainsbourg à Vian, de Bashung à Dominique A, un répertoire aussi vaste que foisonnant ; Armelle & Rémi décharnent des standards pour n’en garder que l’essentiel. Une mise à nue qui nous fait mesurer combien les meilleures chansons tiennent encore debout, fières comme des premiers communiants, dépouillées de leurs artifices.
Mais ne croyez jamais que l’inné suffit à l’affaire. Ces gaillards ont roulé leur bosse, poussé leur pierre sur tous les terrains, lisses ou cabossés. Concerts privés, co-plateaux de nouvelle scène, bistrots bavards et bruyants où il faut lutter pour capter l’attention du distrait et de l’enivré. Pour y parvenir, point de salut que le travail acharné, l’humilié, la foi et l’amour infini des mots et notes. Voir Boudoir sur scène, c’est écarter une lourde tenture de velours, pénétrer l’intimité chaude d’une boîte à musique délicatement réglée, avancer la main tremblante pour oser rétablir une bretelle coquine ayant dévalé la pente d’une épaule. Et voir les yeux d’Armelle s’en émouvoir n’a pas de prix. Ecouter Boudoir, c’est à la fois le plaisir éternel de redécouvrir un répertoire exigeant et l’excitation de titres gourmands et charnels, bien à eux, tellement eux, pour dire la passion qui brule, exalte, enchante, consume. Vous danserez un tango, aimantés à la taille fine d’une contrebasse. Un cabaret nomade dont vous chercherez, le regard inquiet et le front perlé, à retrouver la trace quand les cordes auront émis leur dernière vibration.
Boudoir en concert, avant la sortie de leur album, prévue à la rentrée
Si vous manquez leur concert le 16 juin sur la péniche Le Cercle de la mer amarrée au Port de Suffren, juste au pied de la Tour Eiffel, ou si le Kazakhstan reste une contrée un peu lointaine pour les voir défendre notre belle langue sous l’égide de l’Alliance Française, Boudoir se produira pendant toute la durée du Festival Off d’Avignon avant de nouvelles dates à la rentrée, à Paris et en province.
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David Fargier – Vents d’Orage