Paris-Bruxelles, 1880-1914. Effervescence des visions artistiques

L’exposition « Paris-Bruxelles, 1880-1914. Effervescence des visions artistiques », présentée au Palais Lumière d’Évian du 19 avril 2025 au 4 janvier 2026, offre une immersion captivante dans l’effervescence artistique qui a animé les capitales française et belge à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. À travers près de 400 œuvres issues d’une collection privée exceptionnelle, cette exposition met en lumière les échanges esthétiques et les convergences créatives entre Paris et Bruxelles durant une période marquée par l’innovation et l’audace.


À cette période, Paris et Bruxelles sont des foyers majeurs de création artistique en Europe. Les artistes y explorent de nouvelles voies, s’émancipant des canons académiques pour exprimer des visions personnelles du monde. Sous le commissariat de : Phillip Dennis Cate (commissaire scientifique) et William Saadé (commissaire général), l’exposition met en évidence les interactions entre les mouvements artistiques des deux villes, illustrant comment les artistes belges et français ont partagé des idées, des styles et des inspirations.

Une collection privée révélée


Fruit de plus de 25 ans de passion et de recherche, cette collection privée rassemble peintures, dessins, aquarelles, estampes, affiches, livres et revues illustrées. Le collectionneur, souhaitant rester anonyme, a patiemment constitué cet ensemble en mettant en avant non seulement des artistes renommés, mais aussi des figures moins connues, offrant ainsi une vision riche et nuancée de la scène artistique de l’époque. Cette démarche permet de découvrir des trésors oubliés et des domaines inattendus, tels que les artistes du cabaret du Chat Noir.

Un parcours thématique riche

L’exposition s’articule autour de plusieurs thématiques qui illustrent la diversité des courants artistiques de l’époque :

Japonisme : Dès l’arrivée de l’ère Meiji (1868-1912), la société européenne et ses artistes se passionnent pour tout ce qui a trait au pays du soleil levant. Loin de l’exotisme d’influence orientale encore en vogue dans les milieux académiques à la fin du XIXe siècle, ce mouvement opère une rupture artistique radicale et bouleverse l’impressionnisme, l’Art Nouveau puis les Arts Décoratifs.

Art Nouveau : L’Art Nouveau émerge en France au début des années 1890. Il est une interprétation de l’esprit de la Belle Époque et se veut accessible, à la portée de chacun. Eugène Grasset et Carlos Schwabe en sont d’éminents représentants. Parmi les œuvres présentées, la « Divine » Sarah Bernhardt apparait dans un portrait réalisé au fusain d’Alphonse Mucha, tandis que Maurice Dulac la représente au milieu d’admirateurs dans une aquarelle.

Paris et sa campagne : les représentations de la vie urbaine et rurale. Cap sur Paris, perçue à la fin du XIXe siècle, comme la Ville Lumière et source inépuisable d’inspiration. Sa topographie et son côté crapule et souvent scandaleux sont des thèmes particulièrement populaires dans l’œuvre de nombreux artistes comme Louis Legrand, Charles Lacoste ou encore Henri Rivière. À l’opposé, sa lointaine banlieue avec ses paysages calmes et verdoyants, au-delà de l’agitation de la vie urbaine et des zones périphériques insalubres, est une autre source d’inspiration.

Symbolisme : une approche artistique évocatrice et introspective. Entre paysages envoutants, fantomatiques, univers médiéval et mysticisme, cette étape de l’exposition invite au rêve et au lâcher-prise face à ces créations riches de symboles à analyser ou ressentir de manière spontanée.

Montmartre, Chat Noir, Incohérents : l’effervescence des cabarets et des mouvements artistiques avant-gardistes. À la fin du XIXe siècle, Montmartre est par excellence un lieu de divertissement et d’encanaillement mais également un lieu de vie pour une grande communauté d’artistes. Les peintres Edgar Degas, Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre Puvis de Chavannes côtoient les musiciens Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Erik Satie et les écrivains Jules Verne, Emile Zola, Guy de Maupassant, Alexandre Dumas, Anatole France… Beaucoup d’entre eux vivent en bas de la Butte. Ils travaillent dans leurs ateliers et se retrouvent dans les cafés où ils partagent leurs idées et participent de manière décisive au renouveau de l’art en opposition avec l’art académique défendu par les institutions officielles.

Bretagne et Pont-Aven : l’inspiration des paysages bretons. À l’origine un petit bourg de pêcheurs, sa notoriété internationale vient de la présence de nombreux artistes parmi lesquels l’un des plus célèbres est Paul Sérusier, rejoint en 1888 par Emile Bernard et Paul Gauguin. L’École de Pont-Aven donne par la suite naissance à plusieurs styles de peinture allant du Synthétisme au Post-Impressionnisme.

Nabis : Ce groupe, lié par une amitié forte, vouait une grande admiration à Paul Gauguin. Le peintre français Maurice Denis résume ainsi la nature du mouvement Nabi (prophète en hébreu) : « Se rappeler qu’un tableau – avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ».

Néo-impressionnisme : Né en France, le Néo-Impressionnisme regroupe deux tendances : le Pointillisme et le Divisionnisme. Il traite essentiellement de l’exploration de la lumière et de la couleur selon une approche scientifique, issue des recherches sur l’optique et les mathématiques. Maximilien Luce et Paul-Edmond Cross sont des acteurs importants de ce mouvement mais c’est surtout Paul Signac qui contribue à sa reconnaissance. Ce mouvement pictural apparu au tournant du siècle annonce une nouvelle ère, un renouveau…

Les XX : un cercle artistique belge influent. Fondé par 13 artistes belges en 1883, le cercle des Vingt est une association dont ses membres sont connus sous le nom des Vingtistes. Ils entretiennent des liens étroits avec l’avant-garde parisienne et le travail sur la lumière. Parmi les artistes les plus célèbres figurent Theo van Rysselberghe et Fernand Khnopff.

Le portrait : l’art de capturer l’essence humaine. Les portraits à charge mettent exagérément l’accent sur les traits physiques à des fins satiriques. Les artistes qui les pratiquent à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, notamment le groupe contestataire des Incohérents, ont cherché à échapper aux critères de l’art académique en faveur de nouvelles visions qui incluent des distorsions et des exagérations de la figure humaine. Cette évolution a permis à l’humour, à la satire et à la parodie de s’exprimer et d’entrer dans le domaine des beaux-arts.

Cette nouvelle exposition du Palais Lumière offre ainsi à tous l’occasion rare de découvrir des aquarelles, dessins, estampes, affiches et autres objets de plus de 170 artistes français et belges représentatifs de la fin du XIXe siècle, période d’effervescence artistique en Europe.

Véronique Spahis

Du 19 avril 2025 au 4 janvier 2026

Palais Lumière, Quai Charles-Albert Besson 74500 Évian
Ouvert du mercredi au dimanche de 10h à 18h, mardi de 14h à 18h (10h-18h pendant les vacances scolaires) et les jours fériés (fermé le 25 décembre et le 1er janvier).

www.palaislumiere.fr