« En moi, l’enfant et l’artiste sont indissociables. », commente Niki de Saint Phalle au sujet de ses créations. À première vue, les couleurs vives et les formes imparfaites des œuvres de cette sculptrice, peintre et metteuse en scène font appel à un imaginaire enfantin. Pourtant, l’exposition « Niki de Saint Phalle. Le bestiaire magique », présentée à l’Hôtel de Caumont jusqu’au 5 octobre 2025, plonge le spectateur dans la complexité de la vision artistique de la plasticienne, entre engagement et traumatisme.


Une statue rotative, perchée au sommet d’un assemblage de ferraille, au centre d’un jardin dont l’enceinte en pierre de taille sculptée remonte au XVIIIe siècle. Puis un majestueux hall d’entrée, d’où tombe une pluie de « nanas », ces sculptures de femmes colorées véritables signatures de Saint Phalle. La modernité des œuvres de l’artiste se marie à merveille dans cet écrin d’histoire qu’est l’Hôtel de Caumont. De quoi donner au public un avant-goût d’une visite haute en couleur.


Issue d’une famille aristocrate française du côté de son père, Catherine (dite Niki) de Saint Phalle reçoit une éducation stricte, où tendresse est synonyme de faiblesse. Victime d’inceste à 11 ans, la jeune fille grandit dans les années 1930, entre New York et le château familial dans la Nièvre. Elle se marie à 18 ans pour échapper à son entourage, mais est victime d’une grave dépression quelques années plus tard. C’est à ce moment qu’elle s’essaie à l’art, et en fait sa thérapie. Sous ses doigts, les objets du quotidien deviennent des dragons ou autres animaux effrayants, symboles de ses traumatismes, mais surtout personnages essentiels des contes de fée de son enfance, dans lesquels le bien triomphe toujours, à condition d’affronter les monstres.

Mais c’est par ses « tirs », performances cathartiques durant lesquelles elle tire sur une structure en plâtre blanc composée de multiples objets, et derrière laquelle elle place des ballons remplis de peinture, qu’elle trouve son public. Elle est alors associée au mouvement du Nouveau Réalisme, auprès d’Yves Klein ou de Jacques Villeglé. Pourtant, de Saint Phalle est surtout connue pour ses « Nanas », qu’elle commence en 1964. Figures emblématiques de femmes libérées et puissantes en perpétuel mouvement, elles sont le symbole d’une union entre le monde et ses habitants pour la plasticienne, qui souhaite le passage à une société matriarcale.

Cette rebelle de toujours partage également les revendications de son temps. Après avoir quitté l’Amérique maccarthyste pour rejoindre Paris, elle lutte pour les droits civiques des Afro-Américains, puis contre le SIDA. Ses représentations de couples mixtes sont précurseures pour son époque, et participent aux combats de celle qui a « décidé très tôt d’être une héroïne » (propos tirés de son autobiographie Traces, publiée en 1999). Car Niki de Saint Phalle reste fidèle à ses valeurs et à son idéal de petite fille, malgré les monstres du quotidien, pour qu’art et enfance continuent de ne faire qu’un.

Irène Gajac
Du 30 avril au 5 octobre 2025
Hôtel de Caumont – Centre d’Art, 3 rue Joseph Cabassol, 13100 Aix-en-Provence
Ouvert tous les jours, du 30 avril au 5 octobre de 10h à 19h, et du 6 octobre au 29 avril, de 10h à 18h.