Le Grand Palais rouvre, l’art reprend ses quartiers

Après quatre années de travaux de restauration menés depuis 2021, le Grand Palais a rouvert intégralement ses portes le 6 juin 2025, avec une mise en lumière renouvelée de ses espaces hors expositions.

La rénovation du Grand Palais a mobilisé un groupement d’entreprises françaises de pointe, piloté par l’agence Chatillon Architectes, associée à snøhetta (architectes norvégiens) pour la conception, et à l’agence François Chatillon architecte en chef des Monuments historiques pour la restauration patrimoniale.

Côté travaux, des géants du BTP comme VINCI Construction France, via sa filiale Dumez Île-de-France, ont mené les opérations structurelles complexes, notamment la réhabilitation de la nef et des verrières monumentales.

La restauration des verrières et des éléments en fer forgé – emblèmes du Grand Palais – a été confiée à des artisans spécialisés, dont Les Métalliers Champenois et SOCRA, réputés pour leur savoir-faire sur des chantiers patrimoniaux prestigieux.

Plus de 300 entreprises et corps de métiers différents ont collaboré sur le chantier, avec une attention particulière portée à la durabilité des matériaux, à la sobriété énergétique et à l’accessibilité du monument. Ce chantier colossal, exemplaire en matière de transition écologique, aura permis de moderniser le Grand Palais sans trahir son identité architecturale d’origine.

La nef centrale, restaurée dans le respect de l’architecture d’origine, s’ouvre désormais sur un vaste balcon lumineux de 3 000 m², accessible à tous. Des galeries techniques réaffectées abritent une librairie, une cafétéria, des vestiaires, ainsi qu’un espace multifonction, pensé comme une zone de promenade et de détente.

Cette réouverture hors expositions transforme le Grand Palais en un lieu hybride : plus qu’un musée, un espace de vie culturelle, ouvert, lumineux et festif, prêt à accueillir visiteurs, promeneurs et événements variés, ainsi que le retour des grandes expositions

Une programmation inaugurale audacieuse, entre art brut, sculpture monumentale et patrimoine textile.

Art brut. Dans l’intimité d’une collection La donation Decharme au centre Pompidou (du 20 juin au 21 septembre 2025)

L’exposition – sous le commissariat de Bruno Decharme, avec Barbara Safarova (fondatrice du pôle abcd) comme co-commissaire, accompagnés des chercheurs Cristina Agostinelli, Céline Gazzoletti et Valérie Loth du Centre Pompidou – puise dans la donation exceptionnelle qu’a faite Bruno Decharme – cinéaste et collectionneur passionné – au Centre Pompidou début 2021. Celle-ci comprend plus de 400 œuvres issues de plus de 300 artistes autodidactes, rassemblés sur plus de quarante‑cinq ans de collecte.

Elle présente des figures emblématiques de l’art brut telles qu’Adolf Wölfli, Aloïse Corbaz, Martín Ramírez, Henry Darger, Augustin Lesage ou Emery Blagdon, mais aussi des découvertes plus rares comme Georgiana Houghton ou des broderies d’une artiste anonyme.

Le parcours est conçu comme un kaléidoscope thématique, combinant délires scientifiques, langages inventés, connexions spirituelles, collages bricolés et cosmogonies personnelles, dans une scénographie immersive respectueuse de l’intime.

L’exposition se termine par une salle tapissée d’une chronologie largement illustrée. Une chronologie sur l’art brut, établissant le lien avec l’art moderne et contemporain, l’histoire des idées, de la psychiatrie et de la psychanalyse, de la science et des techniques et de faits politiques marquants est également présente. Une approche qui entend montrer que l’art brut bien que produit dans la marge et l’altérité fait cependant écho aux événements de « la grande histoire ». Si l’art brut rend compte de l’air du temps, il en fait une lecture particulière. Par-delà les nombreuses émotions, c’est aussi de cela que les commissaires souhaitent que les visiteurs retiennent de l’exposition.

Tapisseries royales. Savoir-faire français et tapisseries contemporaines danoises (Du 20 juin au 17 août 2025)

L’exposition présente pour la première et unique fois en France seize tapisseries contemporaines majestueuses, conçues par les artistes danois Kirstine Roepstorff, Bjørn Nørgaard, Tal R et Alexander Tovborg. Installées au Grand Palais, elles incarnent un dialogue inédit entre tradition textile et création contemporaine.

Ces pièces monumentales, réalisées à partir de cartons grandeur nature fournis par les artistes, ont été tissées en France par les artisans des Manufactures nationales (Gobelins, Beauvais) et des ateliers d’Aubusson, en hommage à un savoir-faire pluriséculaire remis au goût du jour.

Le projet trouve son origine dans une généreuse donation de la Nouvelle Fondation Carlsberg en 2018, à l’occasion des 750 ans du château royal de Koldinghus. Après leur étape parisienne (du 11 juin au 10 août 2025), ces œuvres seront rapatriées au Danemark.

En regard, le Grand Palais expose des tapisseries historiques françaises, chefs-d’œuvre classiques illustrant le raffinement du tissage à la française depuis le XVIIe siècle. Cette juxtaposition met en lumière lacontinuité des gestes et des techniques, tout en montrant l’évolution des formes, des symboles et des récits à travers les siècles.

Le parcours dévoile le processus de création, du dessin initial au tissage final : les visiteurs découvriront matériaux, gestes et couleurs dans une mise en scène immersive, enrichie d’ateliers et animations pour s’initier aux techniques du tissage ancien revisité à l’ère contemporaine.

Le commissariat associe Maria Gadegaard (conservatrice en chef de la Royal Danish Collection), Emmanuel Pénicaut (conservateur général du patrimoine, Mobilier national) et Sophie Radix (programmation GrandPalaisRmn), garantissant un échange culturel fort entre traditions françaises et vision danoise contemporaine.

Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten (du 26 juin 2025 au 4 janvier 2026)

L’exposition, en coproduction avec le Centre Pompidou, présente une exposition réunissant Niki de Saint Phalle (1930–2002), Jean Tinguely (1925–1991) et Pontus Hulten (1924–2006), figure majeure de l’institution muséale européenne. Elle retrace l’amitié intime et la collaboration artistique entre ces trois visionnaires, mettant en scène art, engagement et provocations joyeuses.

Pontus Hulten, premier directeur du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou (1977‑1981), a offert à Niki de Saint Phalle et Tinguely un soutien décisif : acquisitions d’œuvres majeures, rétrospectives au Centre Pompidou (Saint Phalle en 1980, Tinguely en 1988) et projets spectaculaires tels que Hon – en katedral, Le Crocrodrome de Zig & Puceou encore la Fontaine Stravinsky.

Le parcours s’articule en une dizaine de chapitres et met en valeur les œuvres phares du couple — les machines absurdes de Tinguely, les Tirset Nanas de Saint Phalle — dans une mise en scène fluide. Mais on regrette que la dimension subversive de leurs pratiques soit quelque peu édulcorée. L’exposition tend à gommer les tensions, les controverses et les contradictions qui nourrissaient leur travail : où sont passées les interrogations sur la violence, le marché de l’art, ou encore le rôle genré dans ce duo aussi fusionnel que déséquilibré ?

Le récit de Saint Phalle s’incarne dans ses Tirs colorés, gestes théâtraux et libérateurs, et ses Nanas, sculptures vibrantes et féministes, signes d’un art engagé et jubilatoire.

L’exposition se conclut par l’évocation du Cyclop (œuvre inachevée de Tinguely à Milly‑la‑Forêt, achevée après sa mort grâce à Hulten) et du Jardin des Tarots de Saint Phalle, illustrant l’esprit utopique et la dimension collective de leur art.

Outre une immersion esthétique (qui l’emporte parfois sur la réflexion), l’exposition offre un voyage historique et affectif, où se rencontrent amour, rivalité créative, rébellion artistique et amitié fidèle.

Une programmation plurielle et fédératrice

En plus de ces expositions, d’autres sont à découvrir ainsi que de nombreux événements pour petits et grands (à découvrir sur le site internet en dessous). Le Grand Palais est un lieu de vie ouvert à tous, avec plusieurs espaces en accès libre :  Rotonde du Palais de la découverte, Salon Seine, Réséda Café par Thierry Marx, Grand Café, librairies-boutiques, …

Véronique Spahis

Grand Palais, Square Jean Perrin – 17 Avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris

ouvert du mardi au dimanche, de 9h30 à 20h, avec une nocturne le vendredi jusqu’à 22h30 sauf les 25 décembre, 1er mai et 14 juillet.

https://www.grandpalais.fr/fr