Lucie Cousturier, une artiste chez les néo-impressionnistes

Du 11 juillet au 14 novembre 2025, le merveilleux musée de l’Annonciade à Saint-Tropez célèbre une artiste qu’on avait presque laissée aux marges de l’histoire de l’art. Et pourtant… dans le ballet coloré des pointillistes, elle fut l’une des rares femmes à oser poser son regard. Lucie Cousturier (1876-1925), peintre, écrivaine, conscience engagée, revient à la lumière cent ans après sa mort, dans une exposition monographique en six sections ponctuées d’ateliers, visites, nocturne…

Elle a le prénom d’une madone mais c’est l’éveil d’une militante qui éclaire ses toiles. Benjamine du groupe néo-impressionnistes, elle ne s’est pas contentée de juxtaposer les couleurs. Elle fit éclore, entre deux touches fragmentaires, l’éthique du regard. Dans l’atelier du tropézien d’adoption Paul Signac, elle apprend la rigueur scientifique du divisionnisme. Les couleurs ne se mélangent pas sur la palette mais dans l’œil. Cette alchimie optique, elle en fait une quête intérieure. Elle exposa pendant vingt ans au salon des artistes indépendants et en 1907 eut sa première et unique exposition dédiée à la galerie Eugène Druet.

Lucie Cousturier peint sur le vif ce qui l’entoure : les toits de Paris, le bois de Boulogne, un bouquet posé sur la table, un ami lisant, elle-même. Une peinture de l’intime mais où chaque carré vibre, chaque carré détone comme si derrière le motif flottait l’écho du monde. Elle peint à la manière des mosaïques antiques, touche après touche avec la vitesse du cœur dans le tempo du vivant. L’exposition au musée de l’Annonciade s’articule en six sections retraçant les grandes étapes de son œuvre : les portraits et autoportraits, les paysages parisiens, les paysages méditerranéens, les natures mortes, les néo-impressionnistes et l’Afrique.

À l’opposé du spectaculaire, sa peinture respire l’attention délicate. C’est sans doute cela que Signac voyait déjà chez elle en 1900 lorsqu’il écrivait à Edmond Cousturier, son futur mari :

« J’ai un grand respect et une grande admiration pour le caractère et le talent de mademoiselle Brû. Elle est franche et loyale et juste et tout cela simplement naturellement »

Artiste à contre-courant, Lucie Cousturier prend le large quand d’autres s’installent dans la chaleur douillette des salons parisiens. En 1921, elle part seule en Afrique de l’ouest, chose rare quasi scandaleuse. Elle y enseigne, écrit, observe, raconte et explore la transparence de l’aquarelle. La touche devient plus liquide, plus immédiate, comme pour capter la pulsation du réel sans passer par le filtre du style. Elle vit l’Afrique comme un dialogue non comme un décor. Elle écoute !

Dans ses écrits comme dans ses productions picturales, Lucie Cousturier oppose au silence colonial une voix singulière. Elle voit l’autre, non comme exotisme mais comme prochain. Cela lui valu l’étiquette trop commode d’anticolonialiste. Ni posture, ni manifeste, elle était surtout libre. Elle était la conséquence naturelle de son regard éclairé.

Dans un monde qui aime étiqueter les êtres comme on range les tubes de couleur, Lucie Cousturier fut un mélange entre rigueur du point carré et débordement du sensible.

Deux commissaires d’exposition aujourd’hui lui ont redonné voix, Adèle de Lafranchi, historienne de l’art et spécialiste de Lucie Cousturier ainsi que Séverine Berger, conservateur en chef et directrice du musée de l’Annonciade sur le port de Saint-Tropez, dans une remarquable composition à quatre mains : exposition et catalogue.

À noter : à l’issue de l’exposition temporaire, le musée fermera ses portes pour rénovation. Il accueille en plus de l’exposition temporaire, une exceptionnelle collection permanente néo-impressionniste, nabis et fauve.

Valmigot

Du 11 juillet au 14 novembre 2025

Musée de l’Annonciade, 2, place Grammont, 83390 Saint-Tropez

En juillet, août, septembre : Tous les jours de 10h à 19h – Nocturne jusqu’à 21h le dernier lundi de chaque mois / en Octobre : du mardi au dimanche de 10h à 18h / en Novembre :

du mardi au dimanche de 10h à 17h