Il est partout, mais on ne le regarde pas toujours. On le porte au creux du bras, on le serre sur l’épaule, on le trimballe sans y penser. Le sac fait partie de nos vies à tel point qu’on en oublierait presque l’importance. À Paris, sous la coupole Art déco du Printemps Haussmann, le sac sort de l’ombre. L’exposition “Sac, Sac, Sac. More Than a Bag”, ouverte jusqu’au 26 octobre 2025, ne se contente pas de présenter des accessoires de mode : elle interroge leur rôle social, esthétique et historique. Sur près de 800 m², près de 200 pièces — du cabas XXL aux sacs miniatures — racontent une histoire plurielle, entre traditions artisanales et innovations contemporaines.

Dès les premières vitrines, le ton est donné : le sac n’est pas un simple contenant, mais un véritable reflet de la société. On traverse l’histoire, des bourses médiévales aux it-bags contemporains, et l’on comprend que cet objet a toujours été un marqueur de statut, de style, parfois même d’émancipation.
Un objet, mille perspectives
Le sac n’a jamais été un simple contenant. Il accompagne l’histoire des sociétés, traduit les évolutions culturelles et révèle les mutations de la mode. L’exposition met en lumière cette complexité à travers douze thématiques, chacune proposant un angle d’analyse différent :
Aux origines – Le parcours s’ouvre sur les premières formes de sacs, bien avant d’être des accessoires de mode. Pochettes médiévales, aumônières brodées, sacs de voyage en cuir épais ou sacoches d’artisans illustrent un usage purement pratique, destiné à transporter monnaie, outils ou effets personnels. Ces objets racontent un temps où le sac était avant tout une nécessité vitale.






Icônes et maisons mythiques – Viennent ensuite les créations des grandes griffes qui ont fait du sac un symbole de style. On y retrouve des modèles devenus cultes, comme le Kelly, le 2.55 ou encore les monogrammes de maisons de luxe. Ces pièces sont autant des objets de désir que des jalons dans l’histoire de la mode



Les matériaux – Cette section met en lumière la diversité des matières qui façonnent les sacs. Du cuir tanné traditionnel aux tissus brodés, du raphia aux innovations techniques comme les matériaux recyclés ou imperméables, chaque choix de matière est un geste esthétique et une déclaration d’intention. Les visiteurs peuvent observer l’évolution des textures, entre savoir-faire ancestral et innovations écologiques



Jeux de formats – Ici, le sac se fait caméléon. D’un côté, le minuscule sac bijou, réduit à l’essentiel, presque objet de parure. De l’autre, les cabas géants ou sacs de voyage, pensés pour contenir un monde entier. Entre ces extrêmes, les formes emblématiques – sac baguette, besace, pochette – rappellent la richesse des silhouettes qui ponctuent les époques et les usages.



Un reflet social – Le sac n’est pas seulement un contenant, il est aussi un signe d’identité. Cette salle montre comment il accompagne les évolutions des sociétés : accessoire d’émancipation féminine, marqueur de statut social, objet de mode ostentatoire ou au contraire symbole de discrétion élégante. On y découvre le sac comme prolongement de la personnalité et témoin des transformations culturelles.


Designs d’aujourd’hui – Place aux créateurs contemporains, qui réinventent le sac en jouant avec les formes, les proportions et les détournements. Sacs sculpturaux, modèles hybrides entre objet et vêtement, expérimentations textiles et matériaux high-tech témoignent d’une créativité sans limites. Ces pièces montrent le sac comme un terrain d’expression artistique autant que comme un accessoire.





Trésors d’archives – Les vitrines patrimoniales dévoilent documents anciens, croquis de créateurs, brevets d’invention et archives publicitaires. Ces fragments de mémoire révèlent la manière dont le sac a toujours été présent dans le quotidien, mais aussi dans l’imaginaire collectif.

Regards de demain – Le futur s’invite avec des prototypes imaginés par de jeunes designers. Ces créations expérimentales explorent de nouvelles fonctions, de nouvelles matières, parfois interactives ou modulables. Certaines pièces annoncent déjà les tendances de demain, mêlant esthétisme et conscience écologique.




Éthique et durabilité – Le sac est aussi repensé sous l’angle de la responsabilité. Ici sont valorisés les modèles issus de la seconde main, du réemploi ou du recyclage. On y découvre des sacs conçus pour durer, réparables et pensés pour limiter l’impact environnemental. Cette section invite à repenser la relation entre mode et consommation




Mises en scène – La scénographie elle-même devient un acteur du récit. Lumières, vitrines et installations créent un dialogue visuel entre les sacs et l’espace. Chaque salle propose une ambiance différente, renforçant l’émotion et donnant à chaque pièce une aura particulière



Savoir-faire en action – Les visiteurs peuvent observer, parfois même expérimenter, les gestes d’artisans maroquiniers : couture, teinture, réparation, entretien. Vidéos et démonstrations révèlent la technicité et la patience nécessaires à la création d’un sac. Cette partie rend hommage à des métiers où le geste manuel reste irremplaçable.
Le sac comme récit – Le parcours s’achève sur une réflexion plus symbolique. Chaque sac raconte une histoire : celle d’une époque, d’un style, d’une culture ou d’une personnalité. Qu’il soit objet intime, pièce culte ou icône de mode, il reste toujours porteur d’un récit. Cette conclusion replace le sac comme un compagnon de vie et un témoin universel.



Un soutien à la jeune création
L’exposition met également en avant le talent émergent via ESMOD International. Les visiteurs peuvent découvrir le prototype de Roméo Gandon-Cattier, lauréat du Prix Printemps × ESMOD 2025, qui sera développé avec la marque interne Saison 1865 et commercialisé dès le printemps-été 2026. Cette approche souligne le dialogue entre création contemporaine et patrimoine historique, en donnant aux jeunes designers une visibilité concrète.







Ateliers et expérience participative
Au-delà de l’observation, le parcours propose des ateliers pratiques au 7ᵉ étage du Printemps de la Femme. Animés par des experts maroquiniers, ils permettent d’apprendre l’entretien, la réparation et l’hydratation des sacs. Une sélection de sacs de luxe seconde main complète l’expérience, soulignant l’importance de la durabilité et du réemploi dans l’univers de la mode.
Si l’on pourrait craindre un simple défilé d’objets luxueux, l’exposition dépasse largement ce risque. La structure en douze thématiques offre un cadre analytique qui transforme la contemplation en réflexion. La richesse historique, la diversité des matériaux et la mise en avant de la jeune création permettent d’appréhender le sac comme objet social, esthétique et culturel.
La scénographie, fluide et immersive, donne vie aux pièces, tandis que les ateliers et contenus participatifs prolongent l’expérience au-delà de la simple observation. Le sac, compagnon quotidien, devient ici un véritable vecteur de mémoire et d’innovation.
Gratuite, ouverte tous les jours de 10h à 20h (jusqu’à 20h45 le jeudi), l’exposition attire autant les curieux que les passionnés…

“Sac, Sac, Sac” réussit ce pari délicat : donner envie de regarder différemment un objet familier, en révélant ses multiples facettes. On ressort avec le sentiment que notre sac, celui qu’on pose machinalement au pied d’une chaise ou qu’on attrape à la hâte le matin, est peut-être bien plus qu’un simple accessoire…
Véronique Spahis
du 4 septembre au 26 octobre 2025
Printemps Haussmann, Coupole Art déco (6ᵉ étage) 64 boulevard Haussmann, 75009 Paris
tous les jours de 10h à 20h (jusqu’à 20h45 le jeudi)