C’est une première dans l’histoire du musée Grévin : une œuvre contemporaine entre dans ses collections. Commandée spécialement par l’institution, elle est signée d’un artiste issu de l’art urbain, Le Diamantaire. Son diamant-miroir, scintillant au cœur de la Salle des Colonnes, dialogue désormais avec les ors et les marbres baroques du musée. Un geste inédit qui marque l’ouverture de ce temple de cire à l’art contemporain.

Marcher dans les salles du musée Grévin, c’est traverser une fabrique d’images. Dès son ouverture, en 1882, ce lieu imaginé par le journaliste Arthur Meyer a offert au public un théâtre de l’actualité et des célébrités de son temps. Mosaïques, bustes sculptés, marbres polychromes et décors théâtraux composent un univers qui n’a cessé de convoquer artistes et artisans. Ce décor foisonnant, où le faux prend des allures de vérité, inscrit Grévin dans une histoire longue de la scénographie et du trompe-l’œil. Loin du kitsch dont on l’affuble parfois, il est un laboratoire d’illusions. Accueillir aujourd’hui une œuvre d’art contemporain ne rompt pas cette tradition : cela l’amplifie.
C’est sur Instagram que Patricia Girbeau, responsable artistique du musée, découvre Alexis, Le Diamantaire. Habituée à collaborer avec des artisans de la cire, elle y voit une résonance avec l’esprit du lieu. Yves Delhommeau, directeur général du musée Grévin, valide aussitôt le projet d’acquisition. « Ce qui m’a séduite chez Le Diamantaire, c’est la simplicité et la puissance de son geste », explique Patricia Girbeau. « Avec un matériau pauvre, il crée une œuvre qui capte la lumière et renvoie au spectateur son image. Dans un musée qui a toujours travaillé sur le double et le simulacre, cela avait beaucoup de sens. »
« J’ai cherché à jouer avec la structure de l’espace. Le miroir ne fait que révéler ce qui est déjà là, mais en le transformant en éclats multiples », précise l’artiste. Le Diamantaire, Normand de 38 ans formé à la ferronnerie d’art, travaille un matériau inattendu : le miroir récupéré. Recyclé, taillé en deux dimensions, il se transforme en facettes brillantes fixées aux murs. Collés dans la rue, ses diamants-miroirs jouent avec la lumière et surprennent les passants. Dans la Salle des Colonnes, l’un des espaces les plus emblématiques du musée, surgit désormais un panneau-diamant monumental. Le visiteur, habitué au selfie avec les stars de cire, se retrouve happé dans un jeu optique où son image se fond au décor.
L’installation du Diamantaire au musée Grévin est une parabole de notre époque : nous vivons dans un monde où l’image est reine, où le luxe est désiré et critiqué, où les musées cherchent à séduire des publics habitués à Instagram. Enchâssé dans les ors et les marbres, le miroir-diamant piège les regards, il attire les corps, il appelle le smartphone comme une main invisible. Il ne sera pas seulement contemplé, il sera photographié, partagé, multiplié à l’infini dans le flux des réseaux sociaux. À peine installé, il a déjà un destin tracé : devenir l’un des lieux les plus photographiés du musée.
Antonella Eco
Musée Grévin, 10, boulevard Montmartre, 75009 Paris
Ouvert du lundi au vendredi de 10h à 18h, samedi et dimanche de 9h30 à 19h