Les mondes de Colette

Quand on évoque Colette, on pense d’abord à ses romans. Et pourtant, elle fut aussi journaliste, scénariste, publicitaire, comédienne… Des vies multiples qui, loin de l’éloigner de la littérature, l’ont nourrie. L’exposition Les mondes de Colette présentée à la Bibliothèque nationale de France, met en lumière cette tension féconde entre sa vie et son œuvre.


                                                               
Les commissaires Émilie Bouvard, Julien Dimerman et Laurence Le Bras ont conçu avec brio un parcours en cinq moments, ponctué de pièces rares et d’acquisitions exceptionnelles de la BnF.

La première section nommée « Souvenirs sensibles » montre que la mémoire était pour Colette un véritable socle créatif. Images, sensations, parfums de fleurs ressurgissent dans ses récits et se muent en matière littéraire.

Vient ensuite la conquête de l’indépendance. Pour gagner sa vie, elle endossait mille rôles : mime, danseuse de music-hall, comédienne, esthéticienne. Autant de métiers parfois imposés par la nécessité, toujours transformés en matériau pour sa plume. Ce moment du parcours trace les contours d’une femme qui affirme peu à peu son autonomie et revendique un affranchissement encore rare pour l’époque.

                                                                   

Au centre de l’exposition, l’art de se représenter soi-même. Dans La Naissance du jour, Colette confesse que plusieurs de ses personnages les plus célèbres sont ses doubles. On découvre ici l’original de Chéri, peu connu du grand public à sa parution, mais déterminant pour la reconnaissance de Colette par ses pairs. La dernière lettre de sa mère Sido complète ce témoignage, montrant comment ses expériences personnelles nourrissent ses avatars et brouillent la frontière entre fiction et réalité.

La quatrième section révèle la journaliste. Avec près de 1200 articles publiés, Colette chroniquait le monde : voyages, justice, sport, critiques… Curieuse insatiable, elle observait la vie moderne et la restituait dans une prose qui relevait plus de la littérature que du reportage.

Enfin, « La Chair » clôt le parcours des visiteurs. Un album photo ayant appartenu à Willy,son premier mari, ouvre ce dernier chapitre. Désir, sexualité, liberté : chez Colette, rien n’est tabou. Mais la chair c’est aussi le lieu de la douleur d’un corps qui vieillit. Ses derniers écrits consacrés à la maladie font de la souffrance son ultime terrain poétique.


 Avec plus de 300 pièces exposées, Les mondes de Colette donne à voir toute la force d’une dualité propre à cette autrice : une femme qui se disait rétive à l’écriture mais dont chaque expérience a nourri les mots. Une exposition passionnante.

Manuella Sorin

Du 23 septembre 2025 au 18 janvier 2026

Bibliothèque nationale de France, Quai François-Mauriac, 75013 Paris
Du mardi au samedi de 10h à 19h – Le dimanche de 13h à 19h

https://www.bnf.fr/fr