Vous permettez au Funambule : agréable dîner d’une famille en composition

Dans un comique de boulevard sans prétention, Vous permettez nous plonge dans un vrai-faux dîner de famille où quiproquos, non-dits et révélations s’enchaînent. Une joute verbale bien menée et distrayante, jusqu’au 1er février 2026 au Théâtre du Funambule Montmartre.

La table du restaurant est ordonnée. Les verres à pied sont disposés, de l’eau est servie et une bouteille de vin rouge attend sagement les convives. « On vous attendait », lancent Richard (Xavier Thiam) et Maureen (Pénélope Perdereau) à Paulo et Laura (Salomé Mandelli et Julien Héteau). Les deux couples ne se connaissent pas encore. Pourtant ils sont intimement liés : leurs enfants « se fréquentent depuis deux ans ».

Stupéfaction chez Richard et Maureen. « Elle ne nous avait rien dit ». Les verres se remplissent, le désordre apparaît. Dans cette confrontation entre deux couples que tout oppose – l’un chirurgien-dentiste rigoureux et mère au foyer, l’autre professeure de français et informaticien peu consciencieux -, les dissensions sont servies froides autour de la table.

Piques appuyées ou sous-entendus vaguement masqués, Vous permettez nous embarque dans un dîner de famille en composition. Les deux couples représentent à leur manière un archétype. Richard et Maureen sont des quinquagénaires qui ont réussi ; bourgeois et fiers de l’être. Paulo et Laura, quant à eux, représentent ce jeune couple quelque peu branché car déconnecté et aux moeurs libres : une femme forte qui travaille et qui se permet avec un malin plaisir de contredire son compagnon en public ; un homme où le laisser-aller est affiché comme une réussite.

Opposition, transition, digestion

Dans une construction extrêmement classique, Manon Rony, auteure de la pièce et de la mise en scène, parie avant tout sur le dynamisme de ses acteurs pour porter cette comédie (1h15). Le registre du quiproquo, à l’instar d’un Dîner de Cons ou d’un Prénom, est usé jusqu’à la corde par Vous permettez.

Sans être à la hauteur de ses modèles, Manon Rony et sa troupe parviennent à nous faire passer un moment agréable. Le ton oscille subtilement entre une précaution de façade permettant aux personnages de cacher leurs véritables sentiments, et une construction en cascade qui brise successivement la quiétude artificielle de ce dîner superficiel.

Les personnages caricaturaux reprennent tous les défauts que nous pouvons nous mêmes repérer dans notre entourage. Cette ambiance familiale propre aux grandes confessions comme aux pâles dénonciations, renforce l’immersion du public dans cette histoire quelque peu cousue de fil blanc.

Vous permettez ne brille pas par son audace ni son ambition scénique. Cependant, l’unité de temps et de lieu choisies, posent un décor familier qui nous fait suivre avec un certain plaisir, ce dîner de famille gentiment sanguinaire.

Le comique fait véritablement mouche lorsque l’absurde frappe à la porte du discours des personnages. Le passage sur la vision de la femme du point de vue des Schtroumpfs par Julien Héteau (également codirecteur du Funambule), est ainsi particulièrement efficace.

Au restaurant, théâtre de l’action, les meilleurs plats sont parfois ceux que l’on ne pense pas commander…

Et avec cela, vous prendrez un dessert ? Vous permettez, je vous invite.

Gabriel Moser.

Jusqu’au 1er février 2026. Du mercredi au samedi, 19h ou 21h. Dimanche à 18h.

Théâtre du Funambule Montmartre, 53 rue des Saules, 75018 Paris.

https://www.funambule-montmartre.com/vous-permettez