Sur le principe d’une formule physico-chimique, dans son premier recueil, 50×197 Au (ed. Le Lys Bleu), la poète Odile Pageaux passe au tamis instants de vie, réminiscences et avenir en quête de sens. L’auteure extrait et révèle son résultat : l’éclosion de 50 poèmes solaires qui emporte le lecteur au-delà des apparences de la couleur, à la source de la lumière.

« Chercheur d’or et de clinquant / Il méprise la beauté des petits riens ». A trop chercher le précieux derrière les choses, parvient-on encore à s’émerveiller ? 50×197 Au donne-t-il la réponse ? En posant la formule de l’or comme outil de compréhension du monde et d’ouverture poétique, Odile Pageaux en appelle à nos souvenirs d’hier et prévisions du lendemain pour parvenir à trouver notre chemin.
Le recueil s’ouvre, « L’orpailleur » fait son apparition. Nous enfilons ces « yeux qui éclairent le monde froid » pour partir en quête d’un « Trésor ». Matière tangible et précieuse, l’or s’incline à mesure qu’il se décline. Odile Pageaux emprunte à la couleur sa magie pour éventrer ses sens au travers d’une chimie d’apparence qui bascule dans une alchimie poétique en quête de constance.
Ce premier recueil de poésie d’Odile Pageaux, paru aux éditions du Lys Bleu, nous ouvre à un monde en mouvement, déraciné du fait des « Vents » mais prêt à se retrouver dans la « Lumière », celle d’un « automne doré » ou d’un soir semblable où « l’on devine les étoiles qui scintillent ».
Cette terre aurifère est-elle un continent ? Une terre habitable ? Odile Pageaux n’en révèle que les « Contours », ceux fait de « sable et de vent / (…) sans cesse remodelés ». Car l’orpailleur n’est pas prophète. Dans sa quête, il est avant tout en proie aux éléments.
Pourtant, même à travers les « Bombardements », le « Vacarme », l’or subsiste, persiste. Odile Pageaux lui confère le pouvoir poétique du passé, du présent mais aussi du futur : une valeur refuge qui éclaire la nuit et ses éléments pour parvenir à un nouveau soleil resplendissant. La musicalité emprunte à la saisonnalité et c’est dans une grande valse des éléments que les perles d’or s’assemblent parfaitement à travers 50 déclinaisons interagissant comme des aimants au fil des pages.
Matière métallique, visée onirique
L’or s’imbrique et livre alors sa teneur. Ombres et lumières de cette matière sont aussi celles de nos vies. Parfois « il », d’autrefois « elle » : dépersonnifiée, la matière « or » se veut être malléable. 50×197 Au : une seule formule mais plusieurs résultats.
Plus qu’une couleur, c’est un reflet, celui de nos vies, qu’Odile Pageaux cherche à travers les « Trouées », « Interstices » et autres « Fenêtres ». Cette ruée vers l’or s’inscrit donc dans une recherche de notre destinée là où, selon Carson McCullers, « l’esprit est tel une tapisserie richement tissée dont les couleurs dérivent de l’expérience des sens, et dont le motif serait tiré des circonvolutions de l’esprit » (Reflets dans un œil d’or, février 1941, ed. Stock).
De cette « tapisserie » de l’esprit, Odile Pageaux tisse subtilement ses motifs pour parvenir à trouver un fil. A l’image du travail de broderie entrepris par l’artiste plasticienne Julie de Pierrepont qui signe la couverture du recueil, l’or symbolise un « entrelac » ; nœud tout à la fois puissant et métallique qui dévoile, comme le revers d’une même pièce, ses accents poétiques. Parfois « Virevoltant », parfois « Innocemment », l’or est de toutes choses. Mais l’or n’est pas un tout. Couleur insondable, il n’est que reflet, mirage ; un graal qui nous pousse à avancer.
En chemin, Odile Pageaux décrit une terre nue, un « Désert ». Une nature source et ressource qu’il nous faut protéger, guérir, écouter. Sur la brèche, 50×197 Au souligne finalement que l’or, pour briller, a bien toujours besoin d’une source extérieure de lumière : celle qui se cache dans nos contreforts, dans notre individualité, notre personne. Notre vrai trésor.
Gabriel Moser.
50×197 Au d’Odile Pageaux aux éditions Le Lys Bleu
107 pages – 12,20 euros.
