Adieu Monsieur Haffmann
Quelle idée originale que de traiter d’un sujet très actuel et moderne en le repositionner dans une époque passée. Le pari était osé, le pari est gagnant. Ni le public toujours plus nombreux, ni les sociétaires des Molières ne s’y sont trompés puisqu’une pluie de trophées s’est abattue la saison dernière sur « Adieu Monsieur Haffmann ». Il ne faut jamais trop en dire, de ce que raconte une pièce de théâtre, moins encore dans le cas d’espèce. Contentons-nous de parler de cet homme, petit employé de bijouterie, concluant un drôle de deal avec son patron. Le premier est stérile et ne peut donc satisfaire au désir le plus cher de son épouse. Le premier est juif, menacé de déportation par l’occupant et, comme des milliers de ses compagnons d’infortune, contraint à se terrer dans une cave.
Vous imaginez bien que ce pitch un peu court et maladroit, ne décrit pas toute l’intelligence philosophique et sensible du texte. Jean-Philippe Daguerre, son auteur et metteur en scène du spectacle, voulait évoquer le combat de tout temps, entre la peur et le courage. Et ce combat n’a rien de manichéen. Seuls les êtres aussi purs que rares peuvent trouver la force de ne pas céder au pire. Force est de constater que cette tentation, cette fascination du pire comme l’appelait Florien Zeller dans un de ces romans, trouve en ce début de millénaire, une nouvelle jouvence qu’on voulait croire impossible.
La peste restera toujours à l’affût, tapi en chacun de nous, prête à prendre le pouvoir. Une haine sourde de l’autre peut surgir sans crier gare, lorsque les difficultés économiques invitent à trouver des boucs-émissaires. Le philosophe René Girard nous avait pourtant prévenus que cette mécanique infernale, cyclique, responsable de l’effondrement de toutes les plus grandes civilisations, de tous les plus grands empires, frapperait à nouveau. Il croyait dur comme fer que les montées aux extrêmes plongeait ses racines dans une caractéristique viscérale et intrinsèque de l’être humain à détester la différence, par peur, bêtise, croyance, peu importe.
« Adieu Monsieur Haffmann » brille d’intelligence et de nuances, décortique le processus d’infection et de fièvre. C’est de cela que Vents d’Orage a voulu échanger avec Jean-Philippe Daguerre, passionné, rageur et tellement… humain :
Le pitch : Paris, 1942. Le port de l’étoile jaune pour les Juifs est décrété.
Au bord de la faillite, Joseph Haffmann, bijoutier juif, propose à son employé, Pierre Vigneau, de lui confier sa bijouterie, s’il accepte de le cacher en attendant que la situation s’améliore. Pierre prendra-t-il le risque d’héberger clandestinement son « ancien » patron dans les murs de la boutique ? Et si oui, à quelle condition ?
Adieu Monsieur Haffmann
Auteur : Jean-Philippe Daguerre
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre
Avec : Grégori Baquet ou Charles Lelaure ou Benjamin Brenière, Alexandre Bonstein ou Marc Siemiatycki, Julie Cavanna ou Anne Plantey, Franck Desmedt ou Jean-Philippe Daguerre, Charlotte Matzneff ou Salomé Villiers
Jusqu’au 31 mars 2019, du mardi au dimanche au
Théâtre Rive Gauche
6 rue de la Gaîté
75014 Paris
Et en tournée dans toute la France
David Fargier – Vents d’Orage