Fin d’une grosse journée de travail, je suis invité par une amie à aller assister à un one man show dans Paris.
Habituellement la motivation est là, se détendre et rire étant une perspective plutôt agréable.
Le thème annoncé m’interpelle quelque peu, l’intelligence artificielle et l’humain augmenté dans notre société…
C’est davantage un thème de conférence pour ingénieurs et/ou philosophes, pas certain que le lâché prise et le fou rire soient au rendez-vous.
Après ¾ d’heures de bouchons, j’envisage de faire demi-tour mais je me suis engagé. Enfin arrivé à destination il est rassurant de voir le monde présent, cette fraction de notre société qui préfère être là, au théâtre, plutôt que devant Hanouna ou sa PS5.
Le rideau se lève, décor assez minimaliste, ce qui n’a rien de surprenant pour un one man, en revanche, deux cartons assemblés pour matérialiser un robot, comme ceux que j’ai pu avoir gamin dans les années 70 prêtent à sourire.
Après avoir installé une forme de dualité dans l’approche du rapport entre l’humain et la science, le spectacle est construit autour de 3 axes qui se complètent et qui chacun comprend, en son sein, réflexion, humour et poésie.
Pour le premier, Guillaume Loublier, grand brun ténébreux, comédien déjà vu au théâtre et au cinéma, nous soumets une galerie de portraits très éclectiques visant à établir une sorte d’état des lieux des imperfections humaines.
Chacun des spectateurs pourra se reconnaître ou, à minima, déceler certains traits de caractères communs durant ce kaléidoscope.
Guillaume Loublier est l’auteur de ce spectacle, ce n’est pas anodin car, en sus d’être comédien, il est enseignant en art dramatique et aussi enquêteur indépendant. Cela confère à ses interprétations une fluidité et une proximité particulières avec le texte et le fond du propos.
Je n’évoquerai ici que le personnage du chanteur lyrique qui, et ce n’est pas simple, m’a porté aux larmes…de rires. Texte léché, interprétation magistrale, un moment fort de la soirée selon moi.
Le second axe porte davantage sur la réalité des développements scientifiques permettant désormais soit de réparer l’humain (Prothèses, pacemaker…) soit de l’améliorer (Exosquelette…). Illustré par des exemples concrets, accompagné d’un texte assez didactique mais également d’incursions poétiques, après avoir ri, nous commençons à nous interroger.
Afin d’alléger la prestation et offrir une répartie, le robot en carton s’anime, elle s’appelle Simone, elle sera l’interlocutrice privilégiés du scientifique l’ayant créé et également vecteur de poésie et d’humanité, on ne s ‘y attend pas.
Enfin, Guillaume Loublier ouvre une forme de débat, interpelle l’humain lambda que nous sommes sur les aspects philosophiques, moraux, personnels que lèvent les progrès de la science et l’orientation qui leur est donnée aujourd’hui.
Que sommes-nous prêts à accepter, jusqu’où souhaitons-nous que l’Homme soit capable de « modifier » la nature ?
L’Homme étant par certains considéré comme la plus belle création, ce qu’il est aujourd’hui capable de réaliser doit-il être considéré comme naturel ? La technologie émanant de ses études et de son travail est-elle assimilable à l’évolution naturelle des choses ?
En résumé, nous sommes là en présence d’une performance hors cadre classique, l’intelligence du texte et la qualité de la prestation de comédien me font davantage penser à Alex Lutz qu’à Bigard, à Gaspard Proust qu’aux chevaliers du fiel….
De et avec Guillaume Loublier, mis en scène et dirigé par Laura Charpentier avec une scénographie de Lucie Cathala, AIR est un spectacle à part, entre le one man humoristique, la pièce décalée et le café philo.
Sans aucun doute un des évènements auquel il convient d’assister au festival Off d’Avignon 2022.
Pour ma part, hâte qu’il revienne sur des planches parisiennes car, je n’en doute pas, il saura l’enrichir encore des échanges et retours qu’il aura eu d’ici la rentrée.
Cyril Perrain
du jeudi 7 Juillet au jeudi 28 Juillet à 16h35 (relâches les mardis)
Espace Alya, 31 bis rue Guillaume Puy, 84000 Avignon