Art Capital 2025 : un succès sous la verrière, un futur en clair-obscur

Février 2025. Cinq ans ! Cinq ans de silence, de nostalgie et d’interrogations sur la réouverture du Grand Palais édifié pour l’exposition universelle de 1900. Cinq ans pendant lesquels les salons historiques, salon comparaisons, salon des artistes français, dessins et peintures à l’eau et les indépendants, exilés de cette nef de verre et d’acier, ont poursuivi leur quête ailleurs, en des lieux plus confinés, parfois plus feutrés, souvent moins vertigineux. Aujourd’hui, ils y sont de retour. Entre euphorie et inquiétude, voici les voix de ceux qui ont retrouvé la magie du grand-palais.

Frédéric Blaimont sourit sous la verrière qu’il redécouvre comme on retrouve une vieille amie. Beaucoup de joie, dit-il simplement, mais tout est là. Dans son regard qui balaie l’espace, dans sa voix où vibre le plaisir de revenir chez lui. Il parle de lumière, d’ambiance, de ce décor qu’il retrouve transformé. Mais surtout, il parle de famille, de tribu. Et sur sa toile, comme sur son visage, le soleil éclate. La peinture capte cette vibration, ce frisson de joie pure.

Elisa M découvre la nef comme on entre dans le sacré, les yeux levés, happée par l’immensité. Très heureuse d’être ici, souffle-t-elle, et l’émotion est palpable. Sa toile, elle, parle d’une autre émotion : la pluie sur Paris. Elle peint comme elle ressent, dans l’instant, à l’écoute des échos de son propre cœur. Et aujourd’hui, c’est la lumière du lieu qui l’irrigue, première pluie, première aube sous cette coupole où vibre l’histoire.

Oksana Yambykh expose le voyage en profondeur, une œuvre qui plonge dans les mystères de l’âme autant que dans ceux de l’océan. Il y a plusieurs sens cachés dans ce tableau, confie-t-elle, comme une invitation à sonder au-delà de la surface. L’artiste, fidèle au groupe d’Alain Campello, retrouve ici une famille. C’est la fête, c’est un honneur, affirme-t-elle, yeux brillants, portée par l’énergie du lieu avec ses grandes heures de l’histoire.

Jos Verheugen aime les corps, les vrais, ceux qui respirent et s’assument. Cette année, il présente Stéphanie, hommage à une femme hollandaise dont la plénitude habite la toile comme une célébration. Il est heureux d’être ici, après les années passées sous le grand-palais éphémère. Ce n’était pas si mal, admet-il, mais il y a dans le retour à la nef une lumière et une résonnance qu’il savoure.

Les personnages de Misha viennent de loin, d’un passé nomade, de terres parcourues, de regards croisés et protégés. Ce sont des visages de mémoire, confie-t-elle. Elle fait renaître ces présences qui hantent son histoire. Sous la verrière du Grand Palais, elles retrouvent leurs souffles, mais aussi l’effervescence d’un lieu qu’elle qualifie d incontournable. Une pépinière d’âmes et de créations où elle se sent à sa place.

Camille d’Alençon ou l’art des invisibles. Elle peint ce que l’on ne regarde plus. J’aime les gens et ils font de belles choses, dit-elle simplement. Son atelier, ancré dans le quotidien, est un observatoire du labeur : Kader le mécano, les éboueurs en tournée. Elle saisit leur présence, leurs gestes, la beauté brute du savoir-faire. Je peins aussi ce qu’on détourne du regard : Rungis, les poissons, les cochons, les veaux. Sous la verrière du grand-palais, elle retrouve cette lumière changeante, crue et franche, qui sublime les contrastes. Quand le soleil cogne, la nef s’embrase ; quand il se couche, le froid s’installe. Un décor à la hauteur de sa peinture où l’ordinaire devient sublime.

Pour sa première exposition sous la verrière, Marie-Céline Audigane parle d’un moment historique. C’est impressionnant, exceptionnel, confirme-t-elle. Sa toile Lumière estivale a traversé le temps : née le 13 novembre 2015, elle renaît en 2023, chargée de symboles. Gaïa y reprend des couleurs, comme une espérance retrouvée. Matisse, Bosch, Niki de Saint-Phalle s’y croisent, et les hommes sirènes rappellent que l’humanité est plurielle. Faisons l’amour et pas la guerre, conclut-elle, le sourire malicieux.

Christophe Blanc ou l’humanité en clair-obscur. Peintre expressionniste et chef du groupe éponyme en salon comparaisons, il scrute la condition humaine avec une lucidité troublante. Ce qui nous régit, ce qui nous émeut, voilà son terrain d’exploration. Sa toile semble joyeuse, mais une question demeure : ces figures sont-elles résilientes ou inconscientes face à l’époque ? Son œuvre est une fresque vivante : solitudes dans un fauteuil, chœurs enfiévrés autour d’une table, échos d’une humanité partagée. Et ce retour sous la verrière ? Plutôt plaisant. Espérons que ce soit pérenne. Inquiétante sobriété enjouée de la réponse, à l’image de son art.

Marion Cadet travaille l’huile sans diluant, à la brosse large. Ses figures féminines ne sont pas des autoportraits, mais elles portent sa marque dans le geste. Ici, la douleur affleure, suspendue à la fragilité d’un papillon, rappel fugace du temps qui file. Sous la verrière, elle retrouve un lieu familier : J’ai commencé ici en 2014, et c’est toujours une immense émotion d’y revenir, cette fois avec le destructuralisme figuratif” porté par sa chef de file Ronnie Jiang.

Avec de l’or dans les mains, Diane Garcès de Marsilla célèbre l’eau douce, ce bien aussi vital que rare. Des mains robustes prélèvent cette ressource précieuse, rappellent que, partout dans le monde, l’accès à l’eau potable reste un enjeu crucial. Dans cette édition de Art Capital, l’émotion est palpable : C’est comme entrer dans une cathédrale, un moment de partage et de lumière.

Artiste peintre et sculpteur, Chrystel Floriot explore les matières avec une audace technique. Sa collection résille joue sur la superposition de grillages comme des dentelles, entre transparence et mystère. Il faut que la femme reste libre, même dans ce tissage. Sous la verrière restaurée, l’évidence s’impose : Ce dôme de métal, c’est une dentelle. Mon travail en est la continuité. Ici, Chrystel Floriot se sent dans un lieu particulièrement inspirant.

Le Grand Palais a réouvert ses portes à Art Capital 2025, aux salons historiques, à deux milles artistes pour une fabuleuse édition qui a accueilli plus de cinquante milles visiteurs. Derrière l’exaltation de ces retrouvailles, une question demeure : cet espace mythique pourra-t-il encore accueillir ceux qui en font sa respiration ? Les œuvres ont retrouvé la lumière, mais l’incertitude plane. Comme un reflet tremblant sous la verrière. Et si c’était la dernière fois ? Que deviendront nos œuvres si, faute de moyens suffisants, elles ne peuvent plus s’inscrire dans le lieu qui a été créé à leur intention ?

Valmigot

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