Du 19 mars au 3 août 2025, l’artiste caravagesque investit le musée Jacquemart-André. L’ombre et la lumière, le drame et la splendeur. L’œuvre d’Artemisia Gentileschi (1593 – vers 1656) est un combat permanent entre la tragédie de son existence et la puissance de son génie pictural. Rétrospective d’exception, une quarantaine de tableaux sont rassemblés, chefs-d’œuvre reconnus, attributions récentes et toiles rarement visibles hors de leurs lieux de conservation. Un hommage magistral à celle qui, malgré les siècles, impose sa force, son regard, son talent.



Née à Rome en 1593, Artemisia se forme dans l’atelier paternel sous l’égide d’Orazio Gentileschi, peintre raffiné. Mais l’histoire de cette artiste ne saurait se réduire à son apprentissage. Victime en 1611 du peintre Agostino Tassi, Artemisia doit affronter la double violence de son viol et du procès qui s’ensuit où elle subit la torture pour prouver ses accusations. Elle en sort meurtrie, mais triomphante et déterminée à s’imposer dans un monde ne lui concédant rien.

Florence sera sa terre de reconquête. Protégée par les Médicis, elle y affine son art, se lie d’amitié avec Galilée et développe un réseau de commanditaires qui la mènera jusqu’aux cours d’Angleterre et d’Espagne. Une femme artiste qui vit de sa peinture au XVIIe siècle est une rareté. Artemisia en fait un manifeste. Habile portraitiste, virtuose du clair-obscur, dramaturge du pinceau, elle scénographie la révolte.
Dans sa démarche, les femmes prennent leur place. Judith et Holopherne, Suzanne et les Vieillards, Esther et Assuérus, ses héroïnes incarnent bien plus que de simples figures décoratives. Elles interprètent le combat, l’intelligence, la vengeance et la justice. Contrairement aux représentations masculines du temps, ses Judith figurent le mouvement en femmes d’action animées d’une puissance physique et psychologique inédite.

Sous le commissariat de Patrizia Cavazzini, Maria Cristina Terzaghi et Pierre Curie, l’exposition du musée Jacquemart-André met en lumière cet engagement pictural et narratif. Elle confronte Artemisia à son père Orazio, souligne l’influence fondatrice du Caravage et explore son évolution stylistique. Parmi les pièces maîtresses, la magistrale Judith et sa servante de la Galerie des Offices ou encore l’impressionnante Esther et Assuréus du metropolitan museum illustrent la grandeur de son art, d’une technique hors pair où vibre une singulière intensité émotionnelle. Mais au-delà de la puissance de sa peinture, c’est son indépendance qui fascine toujours.

Bien plus qu’une étoile solitaire dans le ciel caravagesque, Artemisia Gentileschi est une constellation à elle seule, irradiant encore et toujours d’une lumière que le temps ne saurait ternir. À voir absolument !
Valmigot
Musée Jacquemart-André, 158, bvd Haussmann, 75008 Paris
Ouvert tous les jours de 10h à 18h – Et jusqu’à 19h le samedi et le dimanche – Nocturne le vendredi jusqu’à 22h en période d’exposition