Le 129 rue de la Pompe abrite la boutique emblématique de Maurice Renoma, toujours empreinte du souvenir de ses illustres clients comme Serge Gainsbourg. La veste iconique du chanteur y est d’ailleurs toujours disponible.
Cet endroit est plus encore puisque l’appartement du premier étage est un espace de 220 m2 dédié aux rencontres culturelles et artistiques qui a ouvert en 2020 avec l’exposition immersive Mythologies du Poisson Rouge.
Depuis le 5 novembre, vous pouvez visiter AUGMENTA, une nouvelle exposition que Maurice Renoma offre au public. Elle fait réfléchir à l’évolution de nos pratiques en matière d’intelligence artificielle à travers des textes, des photographies et des vidéos créées par deux cerveaux, quatre mains (Maurice Renoma et son assistant Yuan Chen), … et le concours de l’IA dont l’artiste – plus que jamais plasticien – interroge la toute-puissance.
Tout commence par quelques poèmes qui ont l’air familier et qui sont astucieusement présentés dans une écriture manuscrite semblable à celle de ceux dont ils revendiquent la filiation, mais qui ont été entièrement fabriqués en IA, et que l’intelligence -cette fois humaine- a été contrainte de réagencer.
Paul Verlaine n’a pas célébré la douceur numérique d’un soir qui s’éteint. Pas plus que Victor Hugo n’a formulé de mise en garde contre les machines aux pensées plus vastes que la mer.
Si un visiteur inattentif ou pressé n’y verra que du feu et se laissera piéger, au moins quelques secondes, combien sommes-nous à être abusés quotidiennement par de fausses informations ? Qui peut aujourd’hui se prétendre libre de penser et de décider ?
L’artiste, qui est passionné d’images sous toutes ses formes, interroge notre époque sur l’intelligence artificielle et le transhumanisme. Il pose une question essentielle qui lui est soufflée par l’accélération technologique : L’humain est-il encore un sujet libre et pensant, ou déjà un objet programmé ?
Pour tenter d’y répondre, son approche artistique est transversale et engagée, mêlant photographies modifiées, techniques mixtes et traitements algorithmiques. Il interroge les normes, les identités, les mutations sociales et biologiques, avec un regard toujours en décalage, souvent en rupture, pour mieux agiter nos pensées.
Maurice Renoma le reconnait, l’affirme et l’assume : toutes les photos, toutes les vidéos, tous les textes ont été travaillés avec l’intelligence artificielle avec parfois une centaine d’étapes jusqu’à ce que le résultat lui convienne. On peut donc paradoxalement estimer que tout est « aussi » le fruit de son imagination.
Et si l’exposition questionne notre liberté c’est bien la preuve que nous avons encore une certaine faculté de jugement.
AUGMENTA est une occasion de découvrir un nouveau monde où nous sommes des témoins (supposés) impuissants et appelle à regarder la fragilité de notre humanité. Le visiteur ne perd néanmoins pas son libre arbitre, bien au contraire.
Les jeux de miroir le surprennent. Son regard s’affûte de salle en salle. Sans être volontairement pédagogique, le parcours est cependant didactique. On peut même consulter des ouvrages dans une salle dédiée.
Les câbles d’accrochage évoquent les lignes de flux numériques. Les palettes peintes en noir suggèrent l’architecture brutaliste. Une photographie rappelle la solitude des personnages de Hopper. La salle des vents semblera émerger du climat distopique de fin du monde installé par Guan Hu dans son film Black Dog.
Ici le sirocco et le mistral ne décoiffent personne et pourtant on en ressent les souffles. A la fin, la fiction aura rejoint la réalité. Et le visiteur pourra devenir porte-parole puisque des vêtements reprenant le visuel de l’exposition sont proposés à la vente dans la boutique.
Marie-Claire Poirier
Du 05 novembre 2025 au 04 avril 2026
L’Appart Renoma, 129 bis rue de la Pompe, 75016 Paris
Du mardi au samedi de 10h à 19h