Bernard Buffet, médiéval et pop

Le musée d’art moderne de l’Abbaye de Fontevraud présente 70 œuvres de Bernard Buffet. Des œuvres qui montrent un parcours singulier de cet artiste inclassable, adulé et détesté à la fois.

Cette exposition révèle un peintre à la fois « médiéval et pop » qui utilise aussi bien les sources savantes que les codes de l’art populaire (bande dessinée, publicité, etc.) qu’il réinterprète de manière très personnelle. Elle éclaire également la figure de l’artiste, à la fois ultrapopulaire et solitaire, parfois considéré comme à rebous de son temps.

Dans l’effervescence artistique de l’après-guerre, la vigueur de la scène artistique figurative se traduit par l’organisation de salons, de prix et par l’émergence de toute une génération de critiques qui saluent l’avènement d’une peinture au caractère humaniste, ancrée dans la tradition. Parmi ces peintres, Bernard Buffet âgé de dix-neuf ans fait figure de chef de file, en raison de sa précocité, mais surtout pour son graphisme dur et acéré, son espace plat et sans ombres, inclassable, original et traditionnel à la fois. Expression d’un sentiment de douleur authentique, ce style reconnaissable entre tous pourrait bien résulter d’une synthèse de différents modèles.

L’exposition à Fontevraud a pour ambition d’explorer une de ces sources, celle de l’art du Moyen Âge, décelable dans les thèmes (crucifixions, Jeanne d’Arc, Dante) comme dans la forme (l’espace, la disposition des personnages, la planéité). En contrepoint, le parcours dévoilera un autre aspect de l’œuvre de Bernard Buffet.

Partant du besoin d’inventorier avec un regard d’entomologiste les objets du quotidien produits par l’homme (ustensiles, compotiers, bougeoirs, revolvers, automobiles), il use de moyens d’expression populaires d’une grande efficacité (la bande dessinée, la publicité, les cartes postales). En cela, il rejoint les préoccupations des artistes du pop art. Le terme de « populaire » est entendu ici au sens large, colorant la figure du peintre et la réception de son œuvre, lui qui fut l’artiste le plus médiatisé de son temps.

Le parcours de l’exposition :

Dans la première salle, La Crucifixion, l’une des trois compositions monumentales qui, avec La Flagellation et La Résurrection, constituent « La Passion du Christ », première exposition thématique du peintre à la galerie Drouant-David en 1952. Lui sont associés, à la manière d’un triptyque, deux œuvres traitant de la Descente de croix et un autoportrait au format très en hauteur.

Icônes du quotidien : pour représenter son univers quotidien (portraits, natures mortes), le style graphique et plat inventé par Bernard Buffet se rapproche du système de représentation des artistes médiévaux qui posent les éléments de manière frontale avec peu de profondeur spatiale. Malgré la présence d’ustensiles familiers (lampes à pétrole, brocs, seaux à charbon, tables garnies, etc.), les personnages hiératiques habitent un monde clos ; ils sont détachés de ce qui les entoure et ne sollicitent pas le spectateur

Puis viennent les sections gothiques, médiévales, où par l’usage du très grand format, celui de la peinture d’histoire, il représente la vie de Jeanne d’Arc dont les épisodes marquants ont aussi été largement popularisés par les images d’Épinal et leur Moyen Âge fantasmé. Son « Muséum » peut être rapproché des bestiaires médiévaux.

Depuis leur mariage en 1958, le visage et le corps d’Annabel se déclinent désormais dans l’œuvre de Bernard Buffet, comme en témoigne l’exposition annuelle qu’il lui dédie en 1961. Sa silhouette longue et mince, aux gestes rares et au visage impassible est un modèle inépuisable. Il la peint en mannequin vedette déambulant dans une élégante indifférence sur la Croisette pavoisée à Cannes, entre palmiers et voitures de luxe, dans des couleurs aussi brillantes que celles des cartes postales.

Tourments mystiques, pop culture, gisants, … au fil des années, Bernard Buffet exploite plusieurs domaines – des recherches formelles, historiques, actuelles, personnelles – des œuvres bien différentes des premières années

Au-delà de l’exposition

Au-delà de la seule présentation des œuvres, la vie de Bernard Buffet se dévoile au fil des salles : vidéos, archives d’époque, interview, photos, … peintre prodige à 19 ans, fréquentant collectionneurs et vedettes, exposant dans les plus grandes galeries puis décrié, oublié. Il a donné de lui une image convenue. L’exposition éclaire également la figure de l’artiste, à la fois ultrapopulaire et solitaire, parfois à rebours de son temps. Un homme aussi fragile avec ses tourments.

Une exposition qui permet de re-découvrir autrement l‘artiste, une exposition contemplative – qui interroge sur le sens de la vie – en accord avec la programmation souhaitée par le musée.

Commissariat d’exposition : Dominique Gagneux, directrice du musée d’Art moderne assistée de Aude Le Mercier et Gatien Du Bois, chargés de projets.

Catalogue Bernard Buffet, médiéval et pop – collectif avec Dominique Gagneux, Gatien Du Bois
Editions Glénat, 160 pages, 35,95 €

Du samedi 8 juin au dimanche 29 septembre 2024

Abbaye Royale de Fontevraud, 49590 Fontevraud-l’Abbaye

Ouvert tous les jours de 10 h à 19 h

photos : Véronique Spahis