CFOC, 60 ans d’art de vivre entre Orient et Occident

Soixante ans. C’est une vie entière, parfois le temps d’un siècle condensé. En 2025, la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine (CFOC)atteint ce cap symbolique. Née dans le Paris effervescent des années 60, elle a traversé les époques avec une rare élégance, portée par une vision simple : relier les cultures à travers les objets. Ce n’est pas seulement une boutique, ni même une marque. CFOC est un souffle – celui de l’Orient qui vient caresser le quotidien occidental avec délicatesse.

Un rêve né d’un voyage

Tout commence avec un homme : François Dautresme. Ingénieur de formation, collectionneur dans l’âme, il fait dans les années 60 un voyage décisif en Asie. Ce qu’il y découvre – les couleurs, les matières, les gestes artisanaux – le bouleverse.

« Voyageur passionné, il a parcouru les provinces reculées de Chine, sans cesse émerveillé par la perfection des gestes transmis de génération en génération. Il a fait naître ce goût du « simplement beau » qui définit l’essence même de la CFOC : créer des objets du quotidien de qualité, authentiques et fonctionnels, qui se marient à merveille avec les intérieurs contemporains. François Dautresme est devenu un spécialiste hors pair de la laque, du bambou, des pierres de rêve, de la poterie… Il n’a pas seulement fondé une marque, il a érigé un pont temporel et géographique, devenant le gardien d’un patrimoine menacé de disparition. En créant en Occident un marché pour ces trésors méconnus, il a permis à des ateliers familiaux de poursuivre leur art et de faire vivre durablement leurs traditions ».

Plutôt que de garder ces trésors pour lui, il choisit de les partager. Il fonde alors CFOC à Paris, en 1965, et installe sa première boutique dans un espace intimiste, entre cabinet de curiosités et salon d’esthète.

Très vite, ce lieu devient un carrefour : on y découvre des objets du quotidien venus d’Asie – poteries, plateaux, tissus, lanternes – mais choisis avec un œil rare, celui qui perçoit dans un bol vernissé ou un tabouret en bambou une forme d’art discret. Pour beaucoup de Parisiens, ce fut une première initiation à l’art de vivre asiatique.

L’objet, comme trait d’union

Ce qui distingue la CFOC dès ses débuts, c’est son approche : chaque pièce raconte une histoire. Derrière chaque laque, chaque verre soufflé, chaque tissage, il y a un artisan, un territoire, une mémoire. L’objet est porteur d’un savoir-faire, mais aussi d’un usage. On n’est pas dans la décoration ostentatoire, mais dans la beauté fonctionnelle, celle qui s’invite dans la vie de tous les jours.

Pendant plusieurs décennies, la maison s’impose comme une référence pour ceux qui cherchent à vivre autrement : avec moins, mais mieux. Des objets simples, utiles, mais singuliers. Elle devance les tendances, loin de l’éphémère, fidèle à une esthétique fondée sur la patience, la main, le détail.

Une renaissance inspirée

Après le décès de François Dautresme en 2002, la maison connaît une période de transition. Puis, dans les années 2010, elle renaît sous l’impulsion de Laurent Dumas, mécène et entrepreneur passionné. Il redonne souffle à la CFOC tout en préservant son esprit fondateur.

Depuis 2016, sous la direction artistique de Valérie Mayéko Le Héno, la CFOC poursuit ce dialogue entre tradition et modernité, cultivant des liens privilégiés avec des artisans d’exception d’une dizaine de pays d’Asie et d’Orient. De la céramique à la laque, de l’ébénisterie au tissage, chaque objet, chaque pièce de mobilier raconte une histoire forgée par des mains expertes et des gestes répétés qui traversent le temps.

La maison se réinvente alors en douceur : les collections restent fidèles à l’Asie artisanale, mais se dépouillent des clichés. Les lignes s’épurent, les matières respirent, le design devient plus intemporel que jamais. Le luxe s’efface derrière la main de l’artisan et la sincérité du geste.

Un lieu, une signature

Aujourd’hui, la CFOC se concentre dans une seule adresse parisienne, située boulevard Raspail, au cœur du 7ᵉ arrondissement. Cette boutique unique incarne tout l’esprit de la maison : un écrin paisible, raffiné, pensé comme une maison habitée. Ici, pas de mise en scène tapageuse ni de design figé : les objets dialoguent entre eux dans une ambiance feutrée, où l’on circule comme dans un appartement voyageur.

L’espace reflète les valeurs fondatrices de la CFOC : la simplicité, la beauté des matières, le respect des gestes. C’est un lieu de lenteur choisie, où chaque bol, chaque textile, chaque luminaire semble raconter son propre fragment d’Asie. On y vient pour découvrir, mais aussi pour ressentir – toucher les surfaces, observer les détails, s’imprégner du temps long qu’exigent les savoir-faire traditionnels.

Une collection pour célébrer

Pour ses 60 ans, la CFOC dévoile une collection qui puise dans ses archives historiques, ses pièces emblématiques et ses codes graphiques identitaires, célébrant la rencontre entre excellence artisanale, créativité et vision contemporaine. La collection anniversaire révèle des objets inédits, de nouvelles formes et finitions, qui dialoguent naturellement avec les iconiques de la maison.

Ces créations ancrées dans l’air du temps incarnent un héritage vivant sans cesse renouvelé et tourné vers l’avenir. Le passé inspire le future. Valérie Mayéko Le Héno réinvente les fondamentaux et revisite les codes de la maison. La réédition du rouge CFOC et le nouveau bleu Jun côtoient le noir, le blanc, le sable et le sépia. Les lignes épurées des motifs Ombrelles entrent en résonance avec l’art ancestral du Shibori et du patchwork Pojagi. Ce métissage des savoir-faire donne naissance à des objets d’exception : éditions limitées et numérotées, réinterprétation de pièces iconiques et formats spectaculaires.

Chaque objet de cette collection incarne la philosophie de la maison : beauté durable, fonctionnalité, émotion discrète. Ce n’est pas un clin d’œil nostalgique, mais un manifeste : montrer que l’artisanat peut traverser les décennies sans vieillir, à condition d’être respecté et réinventé.

Le geste, toujours au centre

À l’origine de chaque collection CFOC, il y a un geste. Un tour de potier dans la campagne chinoise. Un pinceau qui applique patiemment les couches de laque au nord du Vietnam. Une main qui tresse le rotin dans un atelier familial à Java. La maison travaille en direct avec des artisans, souvent depuis plusieurs générations. Ces liens tissés au fil du temps sont la clef de la qualité et de l’authenticité des objets.

Le travail de la laque vietnamienne, en particulier, est emblématique : une succession de couches posées à la main, séchées, polies, parfois rehaussées de nacre ou de feuilles d’or. Le résultat est à la fois humble et somptueux. Et surtout, unique. Chaque pièce est le fruit d’un temps long, loin des cadences industrielles.

Design, art et transmission

La CFOC aime aussi la rencontre entre les mondes. Elle collabore régulièrement avec des designers, architectes ou artistes qui partagent ses valeurs. Parmi eux, Christophe Delcourt, qui signe des collections épurées inspirées du bois japonais, ou encore de jeunes céramistes qui explorent les textures brutes et organiques. Ces collaborations ne cherchent pas l’effet de mode, mais l’équilibre entre modernité et héritage.

La maison continue de tracer une voie singulière, loin des effets de mode. À travers ses objets, elle murmure une autre manière d’habiter, de recevoir, de regarder. Une forme de poésie silencieuse, enracinée dans les mains d’artisans et le regard d’un homme, François Dautresme, qui avait compris avant beaucoup que l’objet est aussi un langage.

La CFOC prouve qu’il est possible de conjuguer héritage et renouveau, design et artisanat, influence française et souffle asiatique. Une maison qui, à 60 ans, continue de rayonner et d’inspirer.

Véronique Spahis

CFOC, 10 boulevard Raspail 75007 Paris
Ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h

https://www.cfoc.fr/