Christine Barbe – Là-bas – Down There
Le parcours de Christine Barbe est rythmé de déplacements, entre les mediums, entre les villes, entre les continents. Elle navigue d’un territoire vers un autre à la recherche d’espaces inconnus à l’intérieur desquels elle va devoir prendre le risque de s’encrer.
« J’emploie sciemment ce verbe, s’encrer, un verbe que l’artiste formule plusieurs fois lors de notre première conversation. Un verbe, qui, étant donné sa formation artistique, trouve une signification éclairante. Si aujourd’hui elle ne la pratique plus en tant que telle, Christine Barbe s’est spécialisée dans la gravure : la taille, l’encrage, l’essuyage, les acides, le papier, le métal, la matrice, les gestes précis, le vernis. Au fil du temps et des déplacements, elle ouvre sa pratique à la peinture et à la vidéo. Les outils et les gestes qui déterminent ses œuvres peintes proviennent d’une inclination singulière pour la gravure. Tout commence par des prises de vues, dans un bois, une forêt, un paysage, un lieu inscrit dans une géographie précise, en Chine, en France, aux États-Unis, là où l’artiste vit et travaille, là où son corps étranger tente de s’encrer.
Les photographies sont modifiées, combinées, évidées, découpées. Elles constituent une matière que l’artiste travaille pour définir des éléments de composition : un amas de pierres couvertes de mousse verte, un chemin de boue marqué par le passage d’un tractopelle, une serre abandonnée, un tuyau de plastique enraciné dans la terre, un champ de pylônes électriques, etc. La surface de la toile est partiellement imprimée des éléments photographiques et de vides que Christine Barbe va inonder par le biais de techniques étonnantes. À l’huile ou l’acrylique, elle préfère les encres indélébiles, qu’elle applique au moyen de rouleaux en mousse ou en résine, de tarlatane et de chiffons. Ses outils sont ceux d’un/e graveur/se. Le pinceau intervient uniquement au moment du vernissage de l’œuvre. La photographie et les encres s’entremêlent, elles cohabitent pour donner lieu à des paysages baignés de couleurs à la fois réelles (verdâtre, brun, noir) et surréelles (vert, mauve, orange, bleu). Les vues soigneusement travaillées hybrident des éléments naturels, propres aux paysages observés, ainsi que des éléments signifiant une transformation du lieu par les humains. Christine Barbe saisit un espace en transition qui semble figé dans le temps. Les chantiers sont abandonnés, seules les traces résistent : un escalier en béton, un fragment de chemin de fer, un godet métallique échoué sur la terre, une architecture décharnée. En creux, l’artiste interroge l’espace naturel même. Les forêts aux alentours de son atelier ont fait l’objet de plantations et d’abattages successifs, de percées, elles sont aussi le résultat de constructions humaines.
Christine Barbe ne porte en aucun cas un regard émerveillé sur ces paysages. Bien au contraire, elle choisit de les photographier à des moments précis, de la fin de l’automne à l’hiver. Les arbres y sont dénudés, leur présence y est graphique et étrangement inquiétante. Les couleurs, les gestes et les lumières génèrent une nature contaminée, empoisonnée, irradiée, inhospitalière. Strate par strate, les œuvres manifestent non seulement des paysages mordus par la main humaine, mais aussi des espaces de projections rejoignant une recherche de territoires inconnus que l’artiste s’efforce de comprendre et à apprivoiser. « Mais l’étranger insiste, et fait intrusion. C’est cela qui n’est pas facile à recevoir, ni peut-être à concevoir… ». [NANCY, Jean-Luc. L’Intrus. Paris : Galilée, 2000-2010, p.12] Des territoires physiques et mentaux qui lui résistent et au sein desquels s’inscrivent nos peurs, nos fantasmes, nos imaginaires. » (JULIE CRENN)
Vernissage samedi 27 janvier 2018 de 16 h à 21 h
du 27 janvier au 10 mars 2018
Galerie Eric Mouchet
45, rue Jacob,
75006 Paris
Du mardi au samedi, de 11h à 13h et de 14h à 19h, et sur rendez-vous