Une femme pilote de chasse est passionnée par son métier tourné vers la guerre. Elle prend très à cœur sa mission. Mais la vie l’oblige à devenir pilote de drone à distance depuis un écran, dans une caravane située dans le désert du Nevada. Le soir, elle retrouve son mari et sa fille. La routine s’installe et s’accélère. Au milieu de cette accélération, la division du temps devient de plus en plus complexe dans l’esprit de cette femme, qui sent s’accroître sa solitude.
Au travail, elle décide seule du sort des individus qu’elle a dans son viseur, à distance, intouchable. Mais cette sensation d’invulnérabilité, ne cesse de prendre de l’ampleur, impactant sa vie du matin au soir, et même la nuit. La réalité devient difficile à dissocier de ce rôle de « dieu » dont elle s’empare malgré elle. Distinguer sa famille de la guerre, faire sans cesse des aller-retours mentaux, n’est plus si évident, finalement.
La guerre à laquelle participe la femme, est déshumanisante : loin de ses victimes, exposée à aucun danger, où est le rapport de force ? L’adrénaline ressentie lorsqu’elle décide de détruire en un impact la vie des « coupables », n’en devient-elle pas destructrice de sa propre vie ?
Avec intensité, on se familiarise à ce personnage qui, simple en apparence, subi les dérives des méandres de sa conscience, bien plus complexe qu’il n’y paraît. Par ses mouvements les plus intimes, la femme nous entraîne dans la danse rythmée de son esprit, et ce par une grande liberté dans ses propres réflexions, qui sont les premiers témoins de son emprisonnement.
L’expérience est déconcertante au premier abord, mais permet, par ce face à face entre la conscience et l’inconscience, de s’interroger sur sa propre condition, pour mieux relativiser sa place dans ce monde, qui se plait à se montrer parfois bien paradoxal.
La pièce Clouée au sol constitue un diptyque avec la pièce Charlotte de David Foenkinos retraçant également le parcours intérieur d’une femme en pleine construction.
Julie Goy
Auteur : George Brant
Mise en scène : Laurène Boulitrop
Du 8 mai au 28 juin 2019
Les mercredis et vendredis à 19h
Manufacture des Abbesses
7 rue Véron
75018 Paris