« C’est avec David Hockney que la Fondation Louis Vuitton célèbre cette année l’arrivée du printemps », déclare Suzanne Pagé, directrice artistique et commissaire générale de l’exposition « David Hockney 25 », qui se tient du 9 avril au 31 août 2025. Si les œuvres mythiques et les plus emblématiques des années 1960 sont bien présentées, l’artiste a lui-même choisi de mettre l’accent, pour cette exposition, sur ses vingt-cinq dernières années de création.

« Do remember, they can’t cancel the spring » [Souviens-toi, rien ne peut arrêter le printemps] peut-on lire dès le seuil de la Fondation. Ce message d’espoir, formulé par Hockney lors de son isolement en Normandie pendant la pandémie de COVID-19, rappelle le cycle immuable de la nature et la résilience du printemps, symbole de renouveau et de continuité, même en période de crise.
L’exposition est d’une ampleur exceptionnelle, présentant plus de 400 œuvres réalisées entre 1955 et 2025. Les différentes périodes de la création de l’artiste sont déployées, révélant la diversité de ses moyens d’expression : peintures à l’Ipad – qu’il considère comme un outil idéal pour traduire l’émotion –, portraits aux accents quasi-caricaturaux, dessins photographiques, dialogues avec d’autres artistes ou encore son amour pour l’opéra.
« J’ai choisi de me concentrer sur les vingt-cinq dernières années, en m’inspirant du temps que j’ai passé dans le Yorkshire, à Los Angeles, en Normandie et à Londres » – David Hockney.
Le commissariat a été assuré conjointement par Suzanne Pagé (directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton et commissaire générale), Sir Norman Rosenthal (commissaire invité) et François Michaud (conservateur à la Fondation Louis Vuitton, commissaire associé), en collaboration avec Jean-Pierre de Gonçalves de Lima – compagnon de l’artiste – et Jonathan Wilkinson, pour le studio David Hockney. L’artiste s’est par ailleurs pleinement investi dans la conception de cette exposition.
« Cette exposition est particulièrement importante pour moi, car c’est la plus grande que j’aie jamais eue – les onze galeries de la Fondation Louis Vuitton ! Quelques-unes de mes toutes dernières peintures, auxquelles je suis en train de travailler, y seront présentes. Ça va être bien, je crois. » – David Hockney
Une présentation d’ensemble des diverses thématiques s’impose pour guider le visiteur à travers cette exposition, aussi riche qu’émouvante.
De Bradford à Londres (1955 – 1963)
Né à Bradford en 1937, dans le Yorkshire de l’Ouest en Angleterre, David Hockney étudie au Royal College of Art de Londres à la fin des années 1950. Il s’inscrit d’emblée dans une expression figurative, s’inspirant notamment des graffitis et des peintures de Dubuffet.
Indissociable de l’esprit des Swinging Sixties, il s’engage dans une lutte pour l’ouverture des mœurs en Angleterre – affirmant son homosexualité dans ses peintures : We two boys together clingings (1961), Two Men in a Shower (1963), Boy about to take a shower (1964).
À cette époque, l’œuvre Flight into Italy (1962) reflète l’autodérision et l’émerveillement enfantin de l’artiste face au monde qui l’entoure et à ses expériences vécues — comme en témoigne la représentation de sa joie de voyager dans les paysages rêvés de l’Italie.



Londres – Paris – Los Angeles (1964 – 1998)
David Hockney s’installe en 1964 à Los Angeles, où il peint ses acryliques sur toile exaltant la Californie hédoniste. Voient alors le jour deux des séries les plus identifiées de l’artiste : celle des fameuses piscines, avec A bigger splash (1967) et Portrait of an Artist (1972), et celle des doubles portraits, dans laquelle il renouvelle la tradition de la conversation pièce, avec Christopher Isherwood and Don Bachardy (1968) et Mr and Mrs Clark and Percy (1971).
L’immensité des paysages états-uniens l’inspire, dans les années 1980-1990, à réaliser des peintures de très grande taille. Il partage une perception réinventée des diverses vues, notamment avec Bigger Grand Canyon (1998), œuvre impressionnante composée de soixante panneaux peints à l’huile.




Retour dans le Yorkshire (1997-2013)
En 1999, Hockney retourne vers ses origines en s’établissant dans son pays natal. Sa peinture de paysages est très vive, exprimant paradoxalement une intimité monumentale. Il travaille en plein air, comme en témoignent ses aquarelles, prises sur le vif, dont certaines portent les marques des éléments naturels – ainsi la pluie dans Valley, Millington. E. Yorks.
Par sa série de fusains sur papier intitulée The Arrival of Spring in 2013 (twenty thirteen), il cherche à capter le passage de l’hiver au printemps, où les contrastes entre ombre et lumière font voir la délicatesse d’une nature en éveil.




Portraits
Les portraits de l’exposition nous montrent à quel point l’artiste se confond avec l’homme, laissant entrevoir qui est véritablement David Hockney. Cet homme refuse tout conformisme aux canons esthétiques, n’hésitant pas à faire demeurer sur la toile ses propres imperfections et les marques du passage du temps dans ses autoportraits — Self Portrait Standing with Red Braces (2005), Self Portrait, 20th June 2022, Self portrait, 10th Deceber 2021.
Pour lui, portraiturer quelqu’un n’est pas anodin, et Hockney refuse les commandes de portraits – notamment celle de la reine Elizabeth II. Il cherche avant tout à représenter un visage particulier et à saisir les sens de cette personne. Il ne peint ainsi que ses proches — sa famille, son compagnon, ses amis — ou encore des personnes qui l’intriguent. C’est le cas dans la série 12 Portraits After Ingres in a Uniform Style (1999-2000), dont six sont présentés dans l’exposition, dans laquelle il a peint les gardiens du musée de la National Gallery de Londres.
Hockney se joue par ailleurs de la perspective traditionnelle dans ses toiles, et utilise la perspective inversée. Celle-ci est étonnante et reflète la planéité de la toile, rappelant les peintures chinoises ou encore le cubisme de Picasso.
Quant aux couleurs, elles explosent littéralement sur ses toiles, l’artiste voulant représenter une réalité intensifiée, autre que celle perçue au quotidien – rappelant le fauvisme et, en particulier, Henri Matisse.
Enfin, l’exposition présente une technique particulière : le dessin photographique. Hockney prend ses modèles en photos en 3D, puis travaille sur les ombres. À la frontière entre photographie et dessin, il ne représente ici que ce qu’il a vu et les personnes qu’il a connues, affichant notamment ses propres œuvres en arrière-plan.








Quatre ans en Normandie (2019-2023)
Le médium que choisissent les artistes pour leur art est révélateur de la manière dont ils souhaitent que leur art soit perçu. Dans une période d’isolement que fut le confinement pour la majorité d’entre nous, Hockney utilisa l’Ipad pour partager ses dessins avec ses proches et leur apporter un peu de réconfort.
En se retirant en Normandie en 2020, il perfectionna sa technique sur tablette, s’appropriant les avantages de ce médium, notamment une immédiateté du geste. Dans cette optique, il se lança dans la série 220 for 2020, cherchant à retranscrire avec authenticité ses observations du changement des saisons.
La tablette lui permit également de s’approprier un nouveau type de représentation, difficile à explorer avec des médiums plus traditionnels : peindre la nuit, comme en témoigne sa série Moon (2020).




La Grande Cour (2019)
Une salle est consacrée au panorama La Grande Cour, composé de vingt-quatre dessins à l’encre. Cette présentation exclusive nous plonge dans l’intimité de Hockney, qui représente sans prétention réaliste les vues de sa propre maison du pays d’Auge. S’inspirant de la Tapisserie de Bayeux pour le format, il s’affranchit des contraintes perspectivistes. Le regard se promène librement dans la composition, laissant toute sa place à l’imagination au sein de cette scène banale qui, pourtant, nous bouscule pleinement.


Perspectives multiples : danse, vidéo et espace recomposé
Un aspect remarquable de l’exposition réside dans la mise en valeur des médiums photographiques et vidéo chez Hockney. Il y explore la perspective fragmentée.
À travers la danse classique et les claquettes, dans A Bigger Space for Dancing (2012), il propose une peinture en mouvement, saisie dans une chorégraphie du quotidien. L’espace y est redéfini par l’omniprésence de la couleur jaune et par les dix-huit vidéos numériques synchronisées — la salle et la danse nous enveloppent et nous emportent.


Hockney peint l’opéra
Ainsi parvenons nous au point culminant de l’exposition : une salle où sont projetés les dessins et décors réalisés par Hockney pour différents opéras. Il y partage les raisons qui l’ont poussé à traduire la musique en couleur et en forme : « […] parce que je voulais que le public ne voie que la musique. Je pense qu’on peut la voir, ici et cela rend le théâtre encore plus enthousiasmant ».



David Hockney affirme : « Ce que j’essaie de faire, c’est de faire partager aux gens quelque chose, parce que l’art, c’est le partage. On n’est pas artiste si on ne veut pas partager une expérience, une pensée ». Après avoir découvert son univers de création, il est désormais temps d’aller à la rencontre de ses œuvres, d’accepter cette invitation au partage et de se laisser happer par son travail, qui capte l’émergence du printemps à la Fondation Louis Vuitton.



Agathe Comby
du 9 avril au 31 août 2025
Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne, 75116 Paris.
Horaires d’ouverture (hors vacances scolaires) : Lundi, mercredi et jeudi de 11h à 20h – Vendredi de 11h à 21h – Nocturne le 1er vendredi du mois jusqu’à 23h – Samedi et dimanche de 10h à 20h – Fermeture le mardi
Horaires d’ouverture (vacances scolaires zone C) : Tous les jours de 10h à 20h (jusqu’à 21h le vendredi)