Durant cette messe, le petit Guy Ladrière est enfant de cœur, les mains sagement jointes. Il devrait être concentré sur autre chose mais son regard est attiré par des mains plus grandes que les siennes, des mains prestigieuses : celles d’un prélat. Ce dernier porte au doigt une bague splendide, véritable œuvre d’art. Pour le jeune garçon, c’est le coup de foudre : il ne cessera désormais de traquer pareils bijoux. Quelques décennies plus tard, sa collection abondante de pierres gravées est exposée à l’Ecole des arts joailliers…
On peut y justement admirer plus d’une centaine de bagues, notamment épiscopales – où le saphir représente la pureté – mais aussi mérovingiennes ou encore notariales… On apprend également que la bague de fiançailles était d’usage dès les premiers siècles de notre ère…
Les pièces exposées appartiennent pour la plupart à deux catégories bien distinctes de glyptique (ouvrage de sculpture de petite taille réalisée dans de la pierre dure ou précieuse) : les camées et les intailles. Les premières sont des sortes de bas-reliefs, qui mettent souvent à profit la structure de la roche, faite de plusieurs couches, comme ce splendide Hercule taillé dans du sardonyx. Les secondes sont faites en creux, de manière à imprimer ensuite les motifs sur un matériau meuble, de la cire en général, selon le principe du sceau. Nous en avons montré plus haut deux exemples, avec les bagues de notaires.
Cet art merveilleux est aussi très ancien. Pratiqué depuis des millénaires en orient, il voit avec la période hellénistique un véritable renouveau. Alexandrie, capitale égyptienne devenue grecque par la conquête du roi de Macédoine, devint alors le centre majeur de la glyptique. En témoigne ce chef d’œuvre que l’on suppose représenter Cléopâtre Ière. La mythologie fut une source féconde d’inspiration pour ces sculpteurs antiques, mais aussi pour leurs lointains héritiers de la Renaissance. En effet, il y eut à cette époque un véritable engouement pour l’art des pierres gravées…
Cet intérêt renouvelé ne se tarit pas : la collection de Guy Ladrière en est une belle démonstration, et Philippe Thomas, un témoignage vivant. Ce dernier en effet, comme le montre une vidéo dans l’exposition, est un glypticien talentueux et a accepté de prêter quelques-uns de ses outils et de ses matériaux.
Aujourd’hui, un tour électrique remplace l’ancien tour manuel, mais la méthode est la même : grâce à de la poudre de diamant dont on enduit le foret, l’artiste peut attaquer la dureté de la pierre et lui donner forme et sens.
Animaux, reines d’Egypte ou d’Angleterre, figures mythologiques ou chrétiennes, empereurs anciens ou rois modernes : la matière minérale a reçu leurs traits, grâce à l’habileté du sculpteur. Passion de la vie d’un homme, cette collection est une lucarne ouverte sur des siècles d’un art parfois méconnu, que l’on ne peut que vous inviter à découvrir.
François Bouyé
du 12 mai au 1er octobre 2022
L’Ecole des arts joailliers, 31 rue Danielle Casanova, 75001 Paris
Du mardi au samedi, de 12h à 19h – Nocturne le jeudi jusqu’à 20h –
L’exposition sera fermée le jeudi 26 mai, le jeudi 14 juillet ainsi que du 8 au 21 août 2022