Guernica est l’une des représentations les plus puissantes de l’histoire de l’art et en particulier des guerres et leurs funestes conséquences nihilistes. La célèbre toile aux dimensions monumentales est devenue le symbole de la dénonciation de la violence par l’art. Cette oeuvre – élaborée par Pablo Picasso pendant la guerre civile en Espagne-, a ainsi acquis une portée politique et artistique internationale mémorable.
« Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi » (Picasso)
Répondant à l’appel du président Zelensky, lors de la Biennale de Venise en avril 2022, exhortant les acteurs culturels du monde entier à soutenir l’Ukraine, les éditions Janninck ont sollicité Jean-Pierre Raynaud afin de réaliser une oeuvre post-moderne aussi évocatrice que le Guernica de Picasso. Au même titre que la toile fut donnée à la République espagnole, ce tableau de Raynaud a été livrée à l’Ukraine le 24 février 2023, un an après l’invasion. La toile produite fait les mêmes dimensions que Guernica, soit 7,77 mètres par 3,49 mètres, tout en lui faisant face dans la Cour d’honneur. Plus que de dénoncer le conflit ukrainien, l’oeuvre de Raynaud, 84 ans, se veut universelle : l’artiste souhaite dénoncer l’entrave à la liberté que constituent la guerre, l’invasion et les atrocités injustifiées. Il nous en rend ainsi témoin. Il avertit : « Je ne veux surtout pas être récupéré par les politiques. L’art, exercice culturel individuel, ne peut être qu’un équilibre collectif : c’est une aventure humaine qui revendique la liberté ». La métaphore d’une « petite humanité » : comment la création finit par sauver l’artiste en l’incarnant dans notre immédiateté quotidienne.
Son travail se réalise à partir d’éléments quotidiens et clairement identifiables. A ce propos, Raynaud précise : « La signalisation m’a toujours inspiré car cela demande une réactivité immédiate. Cette méthode, je l’applique à l’art puisque toutes les œuvres provoquent une réaction, un rapport avec soi-même en les regardant et, dans le meilleur des cas, une réaction en chaîne ».
« Les proportions sont extrêmement calculées », complète l’artiste, qui a travaillé l’espacement rigoureusement, avec des écarts identiques entre les sens interdits alors qu’entre les barreaux, il a doublé l’écartement. À la suite des deux barreaux, l’écartement change justement pour signifier symboliquement « la dimension du possible ».
Pourquoi le sens interdit ? Il s’agit d’abord d’un rappel des signes de son vocabulaire plastique puisque l’artiste l’intègre dès 1962 dans sa démarche :
C’est un signe que l’on rencontre dans le monde entier, un signal universel compris de tous, comme les barreaux d’une prison le sont aussi. car les bandes verticales noires évoquent effectivement des barreaux. Mais c’est surtout « la dualité ambivalente des signes », qui intéresse Jean-Pierre Raynaud : Les barreaux sont-ils là pour nous emprisonner/oppresser ou pour nous protéger ? De même, le sens interdit, est-ce une impossibilité ou bien une protection ?
Les éditions Janninck vont publier en avril un ouvrage en 2022 exemplaires numérotées relatant d’une part l’histoire de Guernica et l’épopée de ce tableau de Picasso et d’autre part la philosophie de la liberté de Jean-Pierre Raynaud.
Christian Duteil
du 24 février au 24 avril 2023
Sorbonne Artgallery, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Cour d’honneur, 12 place du Panthéon, 75005 Paris.