Fabienne Verdier à la Cité de l’architecture : le silence comme résonance

Un dialogue entre peinture et architecture

Avec Mute, la Cité de l’architecture ouvre un nouveau chapitre de sa programmation contemporaine. Le musée invite Fabienne Verdier à investir la Galerie des moulages — un lieu monumental dédié aux chefs-d’œuvre de l’architecture médiévale et classique — pour y confronter sa peinture gestuelle à la puissance de la pierre et de la forme patrimoniale.
Le titre de l’exposition, à la fois « muet » et « mutant », évoque la transformation silencieuse d’un geste en espace, d’une énergie en matière. Verdier y explore le rapport entre silence et mouvement, entre immobilité apparente et flux intérieur.

L’artiste du mouvement

Née en 1962 à Paris, Fabienne Verdier a forgé son langage en croisant traditions occidentales et calligraphie chinoise, qu’elle a longuement étudiée dans les années 1980. Son œuvre se reconnaît à ses grands formats, aux tracés suspendus, aux tourbillons de couleur qui naissent d’un geste unique, souvent exécuté à l’aide d’un pinceau géant suspendu à une grue.
Ce geste, à la fois physique et méditatif, capte l’énergie du corps et du monde. Chaque trait devient une empreinte du mouvement, un espace de résonance entre contrôle et abandon.

À la Cité de l’architecture, une quarantaine de toiles retracent trente années de création. Leur accrochage dans la nef de la Galerie des moulages transforme l’expérience du lieu. Les œuvres ne s’imposent pas aux architectures, elles les prolongent, les accompagnent, comme si la vibration de la peinture prolongeait la respiration de la pierre.
Les verticales des portails gothiques répondent aux lignes de gravité du pinceau ; les volumes massifs amplifient la légèreté du trait ; la couleur devient lumière au cœur de cet espace habité par les ombres et les reflets. Le visiteur circule dans un dialogue permanent entre l’histoire et le présent, le visible et l’invisible.

Le silence comme espace de transformation

Le titre Mute prend tout son sens dans cette confrontation. Le silence ici n’est pas absence de son, mais état de disponibilité. Il invite à percevoir autrement la vibration de la matière et la tension du geste.
Les toiles de Verdier, par leur sobriété et leur force contenue, deviennent des champs d’énergie où la peinture semble respirer. Elles rappellent que toute création, comme toute architecture, naît d’un rapport entre équilibre et mouvement.

Le commissariat de Matthieu Poirier signe ici une scénographie sobre et puissante. Les toiles, suspendues ou isolées sur des cimaises épurées, laissent respirer les volumes. La lumière naturelle du lieu révèle la texture de la peinture : ses éclaboussures, ses vibrations, sa matérialité presque tellurique.
On mesure à quel point l’art contemporain peut éclairer autrement le patrimoine : les moulages, habituellement perçus comme figés, deviennent partenaires de jeu d’une peinture en expansion.

Véronique Spahis

du 22 octobre 2025 au 16 février 2026

Cité de l’architecture & du patrimoine, Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, 75016 Paris

tous les jours sauf mardi, 11h – 19h (jeudi jusqu’à 21h)

https://www.citedelarchitecture.fr/fr