Récemment édité aux éditions du Panthéon, cet essai de 216 pages rédigé et documenté par Martine Bayard remonte le fil de la franc-maçonnerie. De tombe en tombe, dans le dédale du cimetière du Père Lachaise, elle met en lumière cent fils et filles de la veuve, célèbres et anonymes, qui ont construit l’histoire, qui ont tenté à leur façon de remettre de l’ordre dans le chaos.
De l’architecte néo-classique Alexandre Brongniart créateur de la Bourse de Paris à l’humoriste Pierre Dac en passant par le mime Marceau puis la journaliste engagée du XIXe siècle Paule Minck ou bien encore la peintre animalière, issue du Romantisme Rosa Bonheur mais aussi la discrète fondatrice de l’œuvre de l’allaitement maternel et des refuges pour les mères malheureuses Marie Bécquet de Vienne, voici une invitation à caresser l’esprit, l’engagement, l’essence toujours tangible de ces êtres qui ont contribué à modeler le monde d’aujourd’hui.
De nombreuses photographies illustrent l’ouvrage ainsi qu’un plan indiquant la situation exacte des tombes afin de préparer sereinement sa visite. Ainsi on se promène dans ce labyrinthe de sépultures au même rythme que l’histoire en traversant le siècle des Lumières, l’Empire, la Commune, la troisième République ou encore la Résistance. On y découvre les multiples visages de la franc-maçonnerie, sans en masquer les contradictions.
Martine Bayard y fait aussi l’inventaire des trésors architecturaux et sculpturaux du Père-Lachaise, authentique musée en plein air et en pleine terre laissant infuser en chacun l’idée que tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et vice-versa.
En rassemblant ce qui pourrait sembler épars à première vue, elle accompagne le lecteur dans une prise de hauteur sur la pérennité de la notion de trace, de la valeur de chacun dans son passage terrestre. Le dramaturge irlandais Oscar Wilde est l’un d’entre eux avec une sépulture particulièrement visitée, y apprend-on. « Elle est constituée d’une curieuse statue réalisée de 1911 à 1914 par Jacob Epstein dans un seul bloc de vingt tonnes en pierre de Hopton Wood, calcaire très fin. Intitulée Ange-démon volant, elle représente l’écrivain de profil, tel un taureau ailé assyrien…La statue, interdite de séjour pendant six ans en raison du sexe apposé sur l’ange… ». La suite est dans le livre !
Titulaire d’une maîtrise de sciences économiques et sociales de l’université de Panthéon-Sorbonne, Martine Bayard a enseigné l’économie avant d’intégrer le monde de l’entreprise, principalement dans le domaine des relations sociales puis en tant que responsable syndicale.
Cette passionnée d’histoire, profondément attachée à la liberté de penser et à l’universalisme, sait transmettre en mots simples, dans une approche claire et synthétique, informations précises et concepts dans une contextualisation historique éclairante.
Le contenu du livre peut s’aborder chronologiquement mais aussi en piochant dans les thématiques de la table des matières ou en faisant le choix d’un focus sur les maçons cités et inhumés au Père-Lachaise avec le plan à la clef.
Vous trouverez exquise la partie la maçonnerie entre Lumières et Révolution où l’auteure entrouvre la porte de la sagesse austère, sagesse libertine.
Valmigot
Francs-maçons du Père Lachaise, Essai de Martine Bayard
Éditions du Panthéon – paru le 27 septembre 2022 – 216 pages – 19,90 €