La vision la plus véridique nécessite le doute, et peut-être que seule l’indétermination nous permet de nous approcher de la vérité. C’est pourquoi l’art, le grand art de Gerhard Richter semble insaisissable, déconcertant, et comme dans le jeu des miroirs tant appréciés par l’artiste allemand, il émeut et devient l’occasion de réfléchir dans un continuum de mises en abîme. Si une rétrospective se charge ensuite de fixer une trajectoire dans l’évolution de l’un des plus grands artistes vivants – et y parvient -, l’exposition devient alors vraiment un événement à ne pas manquer.



À la fondation Louis Vuitton, l’exposition « Gerhard Richter » (sous la direction de Dieter Schwarz et Nicholas Serota) réunit 271 œuvres réalisées entre 1962 à 2024, en abordant l’intégralité de l’œuvre de l’artiste né à Dresde le 9 février 1932, selon le seul parcours vraiment possible, celui chronologique, dans toute la complexité de ce peintre. C’est la plus vaste exposition de son travail jamais présentée, avec des prêts exceptionnels provenant de musées de toute l’Europe, des États-Unis, mais aussi d’Asie et de nombreuses collections privées.










Des photo-peintures aux tableaux abstraits en passant par les dessins au crayon et à l’encre, les aquarelles, les miroirs, les verres, les monochromes gris, les représentations à thème historique et politique et les portraits les plus intimes, la reproduction des grands chefs-d’œuvre (avec le chef-d’œuvre de la leçon veermerienne Lesende de 1994, et les six versions du Verkunndigung nach Tizian, 1973), l’immense exposition s’étale sur les quatre étages de la Fondation, chacun regroupant entre dix et quinze ans de production.







Les images tragiques fabriquées par Richter nous apparaissent bien plus « civilisées » que celles que les médias nous servent quotidiennement. Le parcours de Richter est celui d’une interrogation permanente sur le thème du commencement et de la fin du réel et de sa représentation. Plus encore, sur l’indétermination générée par l’échec à déterminer quand et où finit la représentation. En abordant le problème de la reproductibilité de l’image (photographie et cinéma), ses interprétations sur la toile deviennent nécessairement floues, évoluant ainsi vers l’abstrait. Dans son œuvre de recherche continue (jusqu’à son dernier tableau réalisé en 2017), il aboutit à l’indétermination déconcertante des portraits hyperréalistes et à la vague plus poétique de certains portraits et paysages romantiques.
Le dernier grand peintre classique aborde, dans les tons de son gris adoré, le thème de la mort et réfléchit à l’histoire la plus douloureuse de l’Allemagne et au-delà (l’ensemble du cycle 18. Oktober 1977, exposé dans la collection du MoMA de New York et rarement prêté, est époustouflant).
Les grandes œuvres abstraites sont aussi incontournables, parmi lesquelles se distingue l’extraordinaire cycle de quatre grandes toiles Birkenau, 2014, jamais exposées à Paris auparavant.
Perrine Decker
Photos : Perrine Decker et Véronique Spahis



jusqu’au 2 mars 2026
Fondation Louis Vuitton, 8 avenue du Mahatma Gandhi, 75116 PARIS
Du lundi au dimanche de 10h à 20h – Fermé le mardi
Réservations : https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/exposition-gerhard-richter
