Incursion dans l’atelier de Rougemont

Elu le 17 décembre 1997 dans la section de peinture de l’Académie des beaux-Arts, l’artiste peintre Guy de Rougemont (1935-2021) n’avait jamais fait l’objet d’une exposition telle que l’on peut la voir à Paris du 13 juillet au 29 septembre 2024.

C’est au Pavillon de la Comtesse de Caen de lInstitut de France que prend place cette exposition. Elle met à l’honneur des œuvres issues exclusivement du fonds d’atelier de l’artiste. Certains tableaux sont présentés pour la première fois, grâce au prêt généreux de sa famille ; Guy de Rougemont ayant toujours été réticent à l’idée de voir ses tableaux mis dans des musées.

Afin de mieux saisir la richesse de son œuvre, son langage plastique peut être sectionné en quatre grandes catégories formelles : l’ellipse, le cylindre, la surface tramée et enfin, la ligne serpentine, aboutissement de ses recherches.

Cette exposition n’est pas une rétrospective mais plutôt une incursion, une promenade dans ses intérieurs encore peu explorés. Mais rassurons nous ! Les recherches de Julie Goy sur les archives de l’artiste vont permettre de poursuivre cette exploration. En effet, la découverte des ateliers du peintre avait révélé un Guy de Rougemont insoupçonné, qui vivait au milieu de ses œuvres, immergé de brouillons, de notes et d’inspirations étonnantes.

Une partie de l’atelier a par ailleurs été reproduite à l’aide de précieuses photos d’archives. Sur une des tables de travail, nous notons la présence d’une carte illustrée par la Salière de Cellini, témoin de son admiration pour les formes qui s’entrelacent.

Partout, à travers des couleurs vibrantes ou des formes biomorphiques abstraites, l’on peut reconnaître des préoccupations similaires au maître des papiers découpés, Matisse. La couleur et l’abstraction sont donc deux grandes dynamiques du travail de Rougemont souvent affilié aux veines du Pop art et du Minimalisme, sans jamais qu’il s’en réclame.

Mais avant d’être artiste, Guy de Rougemont est homme. Décrit comme « rayonnant » et « un peu dandy sur les bords », par Adrien Goetz, commissaire de l’exposition, il était aussi un créateur de son temps, désirant que ses œuvres investissent tous les espaces de la modernité. Allant du totem de la place Albert Thomas de Villeurbanne aux colonnes éphémères du Musée dArt Moderne de la ville de Paris, les œuvres urbaines sont devenues sa marque de fabrique.

Comme dans un écho lointain, les colonnes totémiques de Rougemont rappellent les vers de Rimbaud dans le magnifique « Bateau ivre » (Poésies, 1871) :

« Comme je descendais des Fleuves impassibles,
 Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
 Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
 Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs
. »

L’artiste ayant été au cœur de la tourmente de mai 68, il avait vécu ces bouleversements au sein-même de l’atelier. Son œuvre est alors teintée d’un subtil mélange de rébellion et de bonhomie naturelle. L’alliance de formes rigides et sinueuses sont au cœur de ses recherches.

Il convient également de souligner une certaine fascination de Rougemont pour les variations de l’ombre et de la lumière qui le poussaient à observer les rayons du soleil à travers les volets de son atelier. De cette fascination naît l’usage répété du pastel.

Pour clore cette incursion dans l’atelier de Guy de Rougemont, l’exposition propose de souligner l’importance qu’avait sa compagne dans son œuvre, Anne-Marie Deschodt, comédienne dont la beauté était louée de toutes parts.

Vous pourrez y admirer le fantastique manche de l’épée d’académicien que Guy de Rougemont avait choisi : une boîte d’aquarelle reprenant dans les godets sa palette chromatique d’ensemble ainsi qu’un pinceau. Outils indispensables au peintre !

A l’intérieur de l’ouvrant nous trouvons la devise « Age quod agis ». Enfin, sur le fourreau sont figurés un chat, un kangourou et un taureau, évocations précises dont vous découvrirez la signification en foulant le sol du Pavillon de la Comtesse de Caen.

Suzie Zanetta

du 13 juillet au 29 septembre 2024

Académie des Beaux-Arts, 23, quai de Conti, 75006 Paris

Entrée libre et gratuite du mardi au dimanche – de 11 heures à 18 heures.

www.academiedesbeauxarts.fr