L’exposition qui a ouvert ses portes au Musée de l’histoire de l’immigration en ce début d’avril, se veut l’ambassadrice de « plus d’histoire » pour « moins de clichés ». Dans un pays comme la France où les populations juive et musulmane sont les plus importantes du continent européen, la place qu’a joué l’État dans l’évolution de leurs relations demeure mal connue. Avec la présentation de nombreux documents, objets, récits et œuvres d’arts, Juifs et musulmans, de la France coloniale à nos jours élargit le spectre des relations entre les différents trois protagonistes, souvent réduit au seul conflit israélo-palestinien.
Le voyage s’ouvre sur l’impressionnante sculpture Big Bang (2005) de Kader Attia, réalisée en métal et miroirs. Il propose un récit de la création, avec des symboles religieux. Avec ses aspérités et ses angles tranchant, la sphère renvoie au caractère à la fois étroit et explosif des relations, soulignant une harmonie latente pouvant rapidement être perturbée.
Nous pénétrons ensuite à l’origine des relations entre France, juifs et musulmans. L’exposition fixe son cadre spatio-temporel « des débuts des conquêtes de l’Algérie en 1830 jusqu’à nos jours, en passant par l’arrivée sur le sol métropolitain après l’indépendance de l’Algérie », explique Mathias Dreyfuss. « Au XIXe siècle, il y a eu un processus de « francisation » des juifs et musulmans, qui nous renvoient à l’histoire religieuse mais aussi aux trajectoires migratoires », continue le commissaire. « Beaucoup de populations ont migré vers la France. Nous voulons faire comprendre comment tout ce qui se passe dans le contexte colonial et précolonial a déterminé ces trajectoires ».
La mise en scène de l’exposition vise à « guider le visiteur au plus près de la démarche d’historiens », pour offrir « un décryptage de la relation juifs-musulmans et du rôle de l’État français », précisent les commissaires. Les grands événements marquants du siècle passé sont rappelés, avec la proclamation de l’indépendance de l’État d’Israël en 1948, l’arrivée massive de familles algériennes après les années 1950 ainsi que la guerre d’Algérie, jusqu’au conflit israélo-palestinien, son arrivée en France en 1967 et la montée des violences racistes à partir des années 1970.
« Il n’y a pas de conflit héréditaire de génération en génération, mais la relation est compliquée. C’est le résultat d’une histoire politique, d’actions de l’État français qui ont été déterminantes pour l’évolution de la relation. L’histoire commence au Maghreb à partir de la conquête de l’Algérie, jusqu’aux difficultés de représentations rencontrées par l’Islam de France », raconte la commissaire Karima Dirèche.
« C’est une exposition avec d’importants documents d’archives, mêlés à des œuvres d’art contemporain. Elle permet de comprendre pourquoi l’histoire est une construction imaginaire », poursuit Mathias Dreyfuss. « Le jeu à trois est mis en lumière, pour ne plus occulter la place des autorités coloniales françaises ».
Commissariat : Benjamin Stora, Karima Dirèche, Mathias Dreyfuss
L’exposition vise à rappeler que les relations entre juifs et musulmans, aujourd’hui particulièrement dégradées, ne l’ont pas toujours été. À l’inverse, elle témoigne des liens forts entretenus par des milliers d’individus depuis plusieurs siècles. Un voyage à ne pas manquer, plus actuel et important que jamais !
Julie Goy
Du 5 avril au 17 juillet 2022
Musée de l’histoire de l’immigration, 293 avenue Daumesnil 72012 Paris
Du mardi au vendredi de 10h à 17h30 – Le samedi et le dimanche de 10h à 19h – Nocturnes les mercredis jusqu’à 21h