Dans l’obscurité résonne lentement un chant en latin et c’est le tocsin qui, illuminant à intervalle régulier sa façade sous une lumière d’incendie, réveillera sourdement la cathédrale… Du drame qui a frappé l’édifice les 15 et 16 avril 2019 naît un vaste mouvement de mobilisation pour sa reconstruction en même temps qu’un véritable regain d’intérêt pour son histoire. Corentin Stemler est de ces personnes qui ont été frappées ce jour-là par la détresse de la foule assistant impuissante à ce qui eût pu être la ruine totale d’un immense trésor culturel et religieux français. C’est donc un hommage à tous ces hommes et ces femmes qui ont fait l’histoire de Notre-Dame que l’auteur nous propose à travers ce spectacle total d’1h30, alliant le chant et la danse, le théâtre et le son et lumière, et ce dans une nouvelle version réécrite pour l’occasion de la réouverture de la cathédrale.
Initié par un narrateur témoin des flammes, le récit retrace l’histoire de la Dame de Pierre depuis le début de sa construction en 1163 avec Maurice de Sully à sa rénovation ces dernières années. Plusieurs fois défigurée, quel sera finalement son véritable visage ? La lumière du monde filtre à travers les vitraux de la cathédrale, qui se fait le témoin mutique des soubresauts de l’histoire de France ; tantôt rouge, tantôt bleue, tantôt blanche, la scène se fait théâtre pour une succession d’instantanés qui se mettent en mouvement sur le parvis. De la violence de la révolution au charme populaire des troquets et de la musique d’Edith Piaf, en passant par le dialogue chanté d’Esméralda et de Quasimodo, La Dame de Pierre étale 900 ans d’histoire et de légendes ; l’horizontalité de la chorégraphie rencontre la verticalité des faisceaux de lumière, dans laquelle montent Salve et Ave Maria grégoriens retravaillés par le compositeur Bernard Liégeois, et c’est sous le regard de la vierge au pilier – auprès de laquelle dans une longue et belle séquence se convertit Paul Claudel – que le peuple de Paris vaque à son destin. Et quand s’effacent dans l’ombre les hommes, restent leurs prières suspendues aux flammes d’innombrables bougies ; si le décor demeure de pierre immuable, ce sont les seuls changements de lumière qui suggèrent chaque nouvelle ambiance. Ambiances qui parfois nous assaillent, tel ce moment où nous apparaît au fond de la cathédrale, qui s’est ouverte en son milieu, la célèbre vision de la Pietà restée debout au milieu de la désolation à laquelle a laissé place l’incendie.
Tout ceci est porté par une longue cohorte d’acteurs bénévoles, environ 200, mis avec de magnifiques costumes. Le ton est celui d’une grande fête populaire et, lorsque les figurants s’immobilisent dans une ultime pose avant que de saluer, c’est presque la Pastorale des Santons de Provence qui se clôt sous nos yeux. Un beau spectacle aux allures de Puy du Fou (où l’auteur et metteur en scène Corentin Stemler a joué comme acteur bénévole et dont on sent ici l’influence décisive) à voir lors de sa tournée à travers la France en 2025-2026 !
Eloi Hostein
Dates à venir :
Zénith de Nantes, 5 oct. 2025
Zénith de Lille, 23 Nov. 2025
Arkéa Arena Bordeaux, 21 décembre 2025