Dans la lumière douce de l’été solognot, la Galerie Capazza célèbre son cinquantenaire avec une exposition estivale qui résonne comme une prière silencieuse : « Quatre artistes en quête de lumière ». Goudji, Jani, Antoine Leperlier et Robert Charles-Mann s’y rencontrent sans fracas, à l’écoute du murmure des matières, dans une conversation feutrée entre métal, pigments, verre et lumière photographique.
Cette exposition d’été, ouverte du 5 juillet au 21 septembre 2025, est à la fois un hommage et un manifeste : chacun des quatre artistes explore la notion de lumière – dans son sens physique, symbolique ou émotionnel – à travers sa discipline, en écho à la quête permanente de Capazza : révéler la lumière cachée dans la matière ou l’image
Née en 1975 dans le grenier de Villâtre à Nançay, la galerie, fondée par Sophie et Gérard Capazza, a grandi comme une cathédrale profane : pierre après pierre, œuvre après œuvre, dialogue après dialogue. Cinquante années de confiance, de regards partagés, de fidélité au geste, au silence, à l’émerveillement. Cinquante années où la lumière n’a cessé de traverser les murs, les sculptures, les toiles et les corps. Elle représente aujourd’hui environ 90 artistes, maniant autant les matériaux traditionnels que les approches les plus contemporaines.


Lumière : un mot, quatre visages
Il faut entrer doucement dans l’exposition. L’œil d’abord ébloui, puis guidé, s’habitue à cette pénombre subtile d’où surgissent les œuvres, comme des constellations dans un ciel mat.
Goudji, l’éclat du sacré
Chez Goudji, l’orfèvrerie s’élève en rite. Coupes, hanaps, sceptres ou objets rituels : ses formes sont anciennes, presque archétypales. Pourtant, leur présence est éminemment contemporaine. Le métal, travaillé avec une rigueur d’orfèvre, capte la lumière comme un prisme sacré. L’or et l’argent ne sont pas ici par ostentation, mais pour leur capacité à dialoguer avec le silence.
Dans chacune de ses pièces, une clarté intérieure semble vibrer. Ce n’est plus de l’orfèvrerie, c’est une cosmogonie portative. L’objet devient reliquaire d’un monde disparu ou à venir, fragment de mémoire intemporelle.





Jani, peintre de l’invisible
À quelques pas, les toiles de Jani respirent. Pas de lignes nettes, pas de figures, mais des nappes de couleurs qui se dissolvent l’une dans l’autre, comme des halos d’aube ou des réminiscences enfouies. Ahimsa, titre de cette série, signifie « non-violence » en sanskrit. Et de fait, c’est une peinture qui refuse l’emphase, la violence du trait, l’agression de la forme.
Ses tableaux se regardent lentement, presque les yeux mi-clos. La lumière y est diffuse, comme un souvenir d’enfance, une promesse de clarté. On croit voir la matière respirer. C’est une peinture de l’attente, de l’apaisement, où la lumière est moins sujet que présence.




Antoine Leperlier, le verre et le temps
Le verre, chez Antoine Leperlier, est plus qu’une matière : c’est une mémoire. Héritier d’un savoir-faire ancien, il sculpte la transparence comme d’autres sculptent le marbre, avec cette différence qu’ici, la lumière est la complice, parfois même la créatrice.
Dans ses pièces intitulées Veduta interna, la lumière ne se contente pas d’éclairer : elle traverse, se diffracte, se perd. Le verre devient l’écrin d’une lenteur métaphysique. Rien n’est figé, tout est en suspension. Chaque œuvre est une capsule de temps, une matière rêvée, un paysage intérieur.
On y voit des voûtes, des passages, des horizons cristallins. Le spectateur est invité à entrer, non physiquement, mais intérieurement. C’est un voyage dans l’âme du verre – et peut-être dans la sienne.




Robert Charles-Mann, photographe de l’instant suspendu
Robert Charles-Mann nous rappelle que la lumière est avant tout une histoire de regard. Dans ses photographies, elle est saisie au vol, fragmentée, prolongée dans l’ombre. Seeing time, titre de sa série, condense à lui seul l’enjeu de l’exposition : voir le temps à travers la lumière, ou la lumière comme mesure du temps.
Ses images sont des seuils. Elles capturent l’instant où le réel se métamorphose en mystère. Un reflet, un rai de soleil sur une peau, un mur effleuré par le jour : tout devient signifiant. La photographie, chez lui, ne documente pas, elle transfigure.
Chaque cliché est un poème de lumière. Ni trop plein, ni trop vide, juste ce qu’il faut pour réveiller en nous une sensation oubliée, un frisson de présence.



Capazza : le lieu, la mémoire, l’utopie
Si cette exposition touche si justement, c’est aussi qu’elle se déploie dans un écrin particulier. La Galerie Capazza n’est pas un simple « espace » d’exposition, mais un organisme vivant, nourri par un demi-siècle de complicité entre artistes et lieux. Ses murs de pierre, ses poutres centenaires, son ancrage dans la forêt solognote donnent aux œuvres une résonance singulière.
Là, l’art ne se donne pas en spectacle. Il s’insinue, s’introduit doucement, respire avec le visiteur. Loin du tumulte des foires et du cliquetis des galeries urbaines, Capazza propose un autre rapport au temps, à la lumière, à l’art.
Aujourd’hui dirigée par Laura et Denis Capazza-Durand, la galerie continue ce que ses fondateurs avaient amorcé : une utopie concrète, un lieu où l’art contemporain n’est pas rupture, mais filiation ; où la matière parle encore, où la main compte toujours.

La lumière comme fil conducteur, la matière comme langage universel
Le choix de ces quatre artistes tient à l’évidence de leur rapport à la lumière – que ce soit à travers des métaux précieux, la peinture, le verre ou la photographie. Chacun questionne, construit ou révèle la lumière : elle est à la fois sujet, médium, et espace d’expérience.
Goudji la sculpte dans le métal, Jani la dilue dans la couleur, Leperlier la piège dans le verre, Mann la saisit au seuil de la disparition.
La matière est au cœur de l’exposition : or et métal (Goudji), pigments sur toile (Jani), verre sculpté (Leperlier), pellicule argentique ou numérique (Mann). La lumière est ambivalente : elle sublime, structure, met en forme, ou au contraire interroge l’absence, les ombres, le négatif. Le temps est présent : orfèvrerie ancestrale, peinture silencieuse, verre figé, photographie instantanée, mais tous entretiennent une relation au moment, à l’éternité ou à l’instantanéité.
Un anniversaire en lumière : Capazza à mi‑chemin entre tradition et contemporanéité
L’exposition estivale s’inscrit dans un programme global pour 2025. Le printemps a été marqué par l’exposition collective « Équilibre », avec des événements et artistes dédiés à l’équilibre formel ou conceptuel. Avec cette exposition silencieuse, contemplative, Capazza affirme ce qu’elle est depuis toujours : un lieu de résistance poétique. Un lieu où l’on ne crie pas, mais où l’on écoute. Où l’art ne sert pas à briller, mais à révéler.
Les œuvres sont en vente ainsi que de nombreux ouvrages dont deux magnifiques ouvrages édités à l’occasion du cinquantième anniversaire de la galerie : A Équilibre (90 artistes – 200 œuvres) – et Aequilibrium (un abécédaire, fruit d’une année d’entretiens avec les artistes, qui tend à définir les spécificités de l’histoire de la galerie)


« Quatre artistes en quête de lumière » n’est pas une exposition événementielle. C’est une confidence. Un espace de respiration dans un monde saturé. Un lent murmure où chaque œuvre est une fenêtre ouverte sur l’invisible.
du 5 juillet au 21 septembre 2025
Galerie Capazza, Grenier de Villâtre, 18330 Nançay
Ouvert les samedis, dimanches et jours fériés, de 10h à 12h30 et de 14h30 à 19h