Si l’histoire de l’art contemporain de la seconde moitié du XXème siècle vous intéresse, mais que l’Arte Povera vous paraît être une tendance artistique difficile à saisir, cet ouvrage est idéal pour vous éclaircir sur le sujet. L’auteur, Giovanni Joppolo, critique et historien d’art italien et français, nous propose dans ce bref ouvrage de 98 pages, de saisir ce mouvement « dans la fraîcheur de sa proposition initiale », selon ses propres termes.
Le mouvement naît en Italie, au départ de Turin et Rome puis se développe sur la scène internationale à la fin des années 1960. La dénomination d’Arte Povera provient de l’italien « art pauvre ». L’expression est utilisée pour la première fois par critique d’art italien Germano Celant en septembre 1967 lorsque celui-ci intitule une exposition présentée à Gênes.
Les artistes italiens ayant particulièrement œuvrés dans ce contexte, de manière intense entre 1966 et 1969, sont Giovanni Anselmo, Alighiero e Boetti, Pier Paolo Calzolari, Luciano Fabro, Jannis Kounellis, Mario Merz, Marisa Merz, Giulio Paolini, Pino Pascali, Giuseppe Penone, Gianni Piacentino, Michelangelo Pistoletto et Gilberto Zorio. Ils ont tous, à leur manière, l’immense mérite de faire dialoguer la nature avec la culture, dans une expression toujours très personnelle.
Le contexte historique est essentiel à l’émergence de la tendance artistique. En effet, les artistes refusent, comme la plupart des artistes avant-gardistes de cette période, de se laisser enfermer dans une définition. Ils troquent l’idée de mouvement pour celle « d’attitude ». Ainsi, les artistes « pauvres » cherchent à défier la puissante industrie culturelle œuvrant après la seconde guerre mondiale, dans une société de consommation que nombre d’artistes avant-gardistes des années 1960 rejettent. L’Arte Povera revendique une nouvelle réaction artistique face à la suprématie du marché de l’art américain. Les créations « pauvres » se matérialisent alors au travers du geste créateur, au détriment de l’objet fini. Se voulant insaisissable, souvent éphémère, l’Arte Povera se décline sous de nombreuses manières chez les artistes suivant cette idéologie.
Le terme de « pauvre » nous intrigue évidemment, en ce qu’il nous évoque des œuvres constituées de matériaux peu sophistiqués, comme celle de Jannis Kounellis en graisse et en feutre : il s’agit cependant d’une erreur de généraliser ce fait, comme en témoigne les igloos couverts de néons de Mario Merz. Lorsque Germano Celant emploie sa dénomination, il réalise une analogie entre l’art et la guérilla, semblant plutôt inciter implicitement l’artiste, le guérillo, à renoncer à sa dépendance à l’économie et aux institutions culturelles, soit ses équipements. Finalement, ce sont les « attitudes qui deviennent forme », plaçant le concept au cœur de la démarche artistique.
L’ouvrage de Giovanni Joppolo possède cette force d’être à la fois concis tout en nous apportant de précises et nombreuses réponses, permettant de mieux comprendre ce mouvement. On y découvre un aperçu des travaux des artistes « pauvres » précédemment cités, qui témoignent de la grande diversité des réalisations entrant sous la dénomination d’« arte povera ». C’est donc avant tout un état d’esprit artistique, dont la richesse de la démarche et la curiosité des productions, mérite toute votre attention. Laissez-vous ainsi porter par la grande diversité des œuvres « pauvres », et (re)découvrez cette ambiance contestataire et radicale bien particulière des artistes avant-gardistes des années 1960, avec nostalgie, mais surtout avec admiration.
Julie Goy
L’Arte Povera
Giovanni Joppolo
Aux éditions L’Harmattan, 2020
Réédition de l’Arte Povera, les années fondatrices, Fall Editions, Paris, 1996
12 euros