Escapade raffinée au cœur du Perche
Un domaine posé au creux d’un méandre de l’Eure, entouré de douves, de bois et d’un vaste parc : le Château de la Rivière est l’un des joyaux du Perche et de la région Centre-Val de Loire. Son histoire est riche, continue et intimement liée à celle d’une grande famille de magistrats du Royaume de France : les d’Aligre.

Il était une fois…
Bien avant l’élégante demeure du XVIIᵉ siècle que l’on admire aujourd’hui, le site abritait déjà, au XVe siècle, un manoir fortifié. Un pont-levis permettait de franchir les douves ; la position était stratégique, adossée à la rivière et protégée naturellement par l’eau qui l’entoure encore.


En 1617, Étienne II d’Aligre, premier chancelier de France issu de cette lignée, choisit Pontgouin comme lieu de sa résidence seigneuriale. Il pose la première du château. L’architecture suit les codes du classicisme naissant : un long corps de logis central, deux ailes symétriques, deux tours rondes pour rappeler l’ancienne demeure médiévale, et un mélange harmonieux de pierre locale, brique et grison. Le chantier s’achève en 1643 sous la direction de son fils, Étienne III d’Aligre, lui aussi chancelier. On réorganise alors le parc, la cour d’honneur, les communs et les accès, dessinant le domaine presque tel qu’il apparaît aujourd’hui.
Pendant trois siècles, le château est le véritable fief de la famille d’Aligre. On y administre des terres nombreuses, on y accueille des hôtes prestigieux, et le domaine prospère malgré les bouleversements du Royaume de France. La Révolution, cependant, laisse quelques cicatrices : une partie du château est endommagée et restera longtemps dans un état fragile.
Au XIXᵉ siècle, on entreprend diverses restaurations : toitures, maçonneries, potager, murs du parc. Le domaine conserve son harmonie d’origine malgré ces travaux successifs.
En 1926, la lignée des d’Aligre s’éteint avec la mort de la dernière marquise.
Le domaine change alors plusieurs fois de mains. Pendant la seconde Guerre Mondiale, il est réquisitionné et sert d’école pour jeunes filles.
De 1954 à 2009, une famille du milieu du cinéma français achète le domaine. Le château devient un lieu de villégiature où séjournent régulièrement acteurs, réalisateurs et personnalités du septième art.
Depuis 2009 : renaissance d’un monument endormi
Après plusieurs décennies de sommeil, Le Château de La Rivière a retrouvé une véritable âme depuis que la famille de Vitry en a fait l’acquisition en 2009. Son propriétaire actuel, Édouard de Vitry – rejoint quelques années plus tard par Alice de Parserval – l’a entrepris comme un grand chantier de renaissance en concertation avec les Monuments historiques : pierre après pierre, jardin après jardin, il a redonné au site son caractère d’origine tout en l’ouvrant aux visiteurs.

Chaque année voit renaître une nouvelle partie de l’ensemble : toitures et charpentes, douves et ponts, murs du potager, communs et terrasses, et enfin, en 2024, la cour d’honneur et la cour des communs. Le château retrouve progressivement son apparence du XVIIᵉ siècle, tout en s’ouvrant à la visite et à l’hébergement.






Le domaine, vaste de près de 200 hectares, mêle forêts, prairies, canaux et miroirs d’eau. L’Eure circule à ses pieds, dessinant un paysage fluide et apaisant où subsistent encore les anciennes “îles” et bras d’eau du projet hydraulique du XVIIᵉ siècle. Aujourd’hui, ces éléments sont pleinement intégrés au charme du parc et participent à son atmosphère unique : un mélange de nature sauvage et d’architecture classique.






Le grand rêve de Louis XIV : un canal depuis Pontgouin
À la fin du XVIIᵉ siècle, alors que Versailles manque cruellement d’eau pour alimenter ses jardins et ses jeux d’eau, le roi Louis XIV et son ministre Louvois lancent un projet titanesque : détourner l’Eure depuis Pontgouin pour faire parvenir son eau jusqu’aux fontaines de Versailles.
Pontgouin, et donc le domaine du Château de la Rivière, se retrouvent au tout début du chantier.
Ici, on commence à capter l’eau, à tracer des rigoles, à préparer le départ du canal. Vauban lui-même supervise les plans : près de 80 km d’ouvrage, des levées gigantesques, un aqueduc monumental à Maintenon… un projet hors échelle pour l’époque.
Les “îles” du domaine, ses canaux, ses digues et ses structures hydrauliques préexistantes forment alors un terrain idéal. Le château se situe littéralement à l’origine du détournement envisagé. Le canal ne sera jamais achevé — la guerre et le coût démesuré du chantier en auront raison. Mais le paysage, lui, a gardé les traces de ce rêve interrompu.
Dans le domaine, on reconnaît encore : les relais d’anciens canaux, des levées de terre destinées à guider l’eau, des rigoles qui ne servaient plus à la seule décoration, des “îles” séparées par des bras d’eau qui devaient un jour rejoindre un canal bien plus large.
Aujourd’hui, les restaurations du parc et les promenades permettent de ressentir cette ambiance singulière : un dialogue permanent entre l’eau, le paysage et l’histoire, où les “îles” du domaine racontent à la fois l’art des jardins du XVIIᵉ siècle et un rêve inachevé destiné à Versailles.
Un château vivant, enfin accessible
Le Château de la Rivière n’est plus seulement qu’un monument historique : c’est un lieu habité, restauré, ouvert, qui retrouve son rôle d’autrefois — celui d’un domaine accueillant, tourné vers la promenade, la découverte et l’art de vivre percheron.
Ses propriétaires ont fait un travail remarquable pour accueillir des hôtes à la recherche d’authenticité et de dépaysement. A 1h30 de Paris en train ou en voiture, ce château propose des prestations de qualité pour une escapade ressourçante.
Des chambres d’exception pour un séjour unique
Le château propose cinq chambres d’hôtes, (entre 42 et 56 m2) toutes situées dans le corps principal de la demeure, avec une décoration mêlant mobilier historique et confort contemporain : la Chambre du Roi (ou aurait dormi le roi Louis XIV… ) spacieuse et lumineuse, avec lit à baldaquin, salle de bain privative et vue sur le parc et la cour d’honneur ; la Chambre du Chancelier, élégante, mêlant authenticité et confort, avec salle de bain moderne ; la Chambre du Marquis : ambiance XVIIIᵉ siècle, lumière naturelle et vue sur les eaux et les îlots ; la Chambre de l’Ambassadeur, chambre “prestige” avec grande salle de bain et vue sur le parc ; la Chambre des Mousquetaires pour 4 personnes, idéale pour une famille, avec confort moderne et charme historique.












Chaque chambre (tout comme le reste des pièces du château) est meublée avec raffinement, en tenant compte de l’histoire de chacune – du mobilier en bois et des objets chinés avec soin – issus de recherches historiques – des tableaux et des sculptures, une literie haut de gamme, des livres… (de 210€ à 360€ la nuit, petit-déjeuner gourmand inclus)
Le petit-déjeuner « maison » est servi dans le salon d’Aligre et comprend des boissons chaudes à volonté, des viennoiseries maison, baguette et pain aux céréales, des jus de fruit, des confitures artisanales, miel et pâtes à tartiner maison (noisette et cacahuètes), de la compote de pommes maison, de la salade de fruits fraîchement préparée, des yaourts maison, des céréales, du Grénola maison et un assortiment de fromages et jambons.






La table gastronomique du Château de la Rivière : une cuisine d’âme et de saison
Le soir venu, du mercredi au dimanche, les hôtes peuvent profiter d’une table d’hôtes gastronomique, confiée depuis 2024 à la cheffe Carole Pagès. Formée aussi bien à la cuisine qu’à la pâtisserie, aux viennoiseries, au chocolat ou aux glaces, elle possède ce rare talent de pouvoir imaginer un repas cohérent du premier amuse-bouche jusqu’à la dernière bouchée sucrée.

Son approche est simple : travailler des produits frais, de saison, issus des producteurs des environs. Cela donne une cuisine vivante, qui change au fil des semaines, parfois audacieuse dans les associations, toujours délicate dans les saveurs. Carole aime composer avec les textures, glisser une touche inattendue, surprendre sans jamais dénaturer l’essentiel.
Le repas prend la forme d’un menu en quatre temps, entièrement imaginé par la cheffe selon les arrivages du moment. On ne choisit pas (mais la cheffe tient compte des intolérances alimentaires précisées lors de la réservation) : on se laisse porter. C’est tout le charme de l’expérience.
Les plats s’enchaînent comme les chapitres d’une histoire : une entrée qui ouvre l’appétit sans tout dévoiler, un plat principal qui fait la part belle au produit phare de la saison, un passage par les fromages ou une création intermédiaire, puis un dessert qui termine le repas sur une note douce et élégante.
Lors de notre venue, les plats arrivant sans leur intitulé, nous avons essayé de définir les différentes saveurs… Nous avons été bluffés ! Carole Pagès a l’art aussi bien des harmonies que de l’assaisonnement avec ses propres créations inédites. Ainsi nous avons dégusté :
Mise en bouche : Betterave en 4 textures ; Entrée : Duo de thon et d’espadon, dongchimi de red meat, raviole de thon fumé, vinaigrette acidulée ; Plat : Coussinet de chevreuil sauce royale, déclinaison de salsifis, raviole de chevreuil au foie gras ; Pré dessert : Granité de pamplemousse, crémeux yuzu, mandarine satsuma confite, saké grand cru ; Dessert : Montblanc revisité, brioche feuilletée sarrasin






Ces mets furent accompagnés de vins choisi en accord :



Une expérience gustative exceptionnelle dont mes papilles se souviennent encore… (dîner gastronomique à 95€ / personne).
Un parc pour se promener, naviguer, respirer
La nature occupe une place centrale dans l’expérience du Château de la Rivière. Il offre de nombreuses activités pour profiter du domaine : Balades à pied ou à vélo dans le parc et le long des canaux ; Promenades en barque ou en canoë sur l’Eure et les bras d’eau ; Piscine intérieure chauffée (avec un magnifique vitrail provenant des Ateliers Loire à Chartres), sauna et massages sur réservation (95€/personne ou 180€ pour deux personnes) ; Tennis et pêche dans le parc.









Un patrimoine vivant et accueillant
Le week-end, Edouard de Vitry propose une passionnante visite gratuite du château (1h) aux hôtes. Le château est aussi ouvert pour les personnes ne séjournant pas dans les chambres d’hôtes, selon des créneaux : https://www.chateaudelariviere.com/visites










La force du Château de la Rivière réside dans cette cohérence : un lieu chargé d’histoire, un environnement apaisant, une équipe attentive, des propriétaires accueillant et une cheffe qui travaille avec cœur et discrétion. On en repart à regret et l’envie de vite revenir.
Véronique Spahis
Château de La Rivière, 28190 Pontgouin
Chambres d’hôtes ouvertes toute l’année – Visites guidées de juin à septembre – Promenade dans le parc de mai à septembre
