Laurence Aëgerter construit des histoires, entre illusion et réalité. Sur le principe du miroir ou du trompe-l’œil, elle aime retourner les situations et ouvrir d’autres champs des possibles à la représentation du monde. Dans ce voyage inattendu qu’elle propose au visiteur du Petit Palais, elle nous accompagne à travers plusieurs siècles d’histoire de l’art et offre une nouvelle lecture du musée, en y soufflant un vent de liberté.
Le parcours s’ouvre avec un miroir gravé à la main par l’artiste : « Ici mieux qu’en face », comme une métaphore du double et de l’évasion, thèmes chers à l’artiste.
Au fil des salles, au milieu des œuvres, en écho ou en exergue, l’artiste installe ses créations, questionnant ou sublimant celles de ses aînés avec poésie.
Ses œuvres font dialogues, et nous en sommes les voyeurs autant que les réceptacles.
Parmi ses œuvres, la pièce « Confetti », 58 038 photographies contenues depuis 10 ans dans la mémoire de son téléphone et réduites à la taille d’un confetti, réactivent ainsi ses souvenirs. L’exploration de la dualité trouve une résonance toute particulière dans la salle impressionniste où elle propose un dialogue avec l’un des chefs-d’œuvre du musée, « Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt » de Claude Monet. Son interprétation en tapisserie, « Soleils couchants sur la Seine à Lavacourt » reprend le motif du tableau. Ici le soleil se répète cinq fois, tel un ricochet qui étend le motif cher au maître impressionniste. La permanence de la mémoire, le chemin du temps et la précarité de nos existences ne cessent de l’habiter.
Toute en délicatesse, dans la galerie des grands formats, elle pare plusieurs sculptures d’un « Schutzmantel » (manteau de protection) en référence au manteau de la Vierge de miséricorde protégeant les humbles et les faibles.
Plus loin dans le musée, elle s’empare d’autres peintures et prolonge sa série « Compositions catalytiques », initiée avec un groupe de jeunes adultes souffrant de troubles psychotiques au sein d’une institution psychiatrique à Utrecht aux Pays-Bas. Sa poésie s’exprime pleinement lorsque dans la galerie Tuck du Petit Palais, elle fait pleurer une harpe du XVIIIe siècle en la réparant de ses cordes manquantes, sur lesquelles s’accrochent des larmes de verre contenant de minuscules chiffres et lettres qui, composés ensemble, évoquent des noms et des numéros de téléphone de personnes perdues et aimées.
Dans ce voyage inattendu à travers le Petit Palais, les photographies, sculptures et œuvres textiles de Laurence Aëgerter nous donnent la preuve qu’il est possible de jouer avec les fantômes de notre passé et de leur offrir de nouvelles destinées.
Du 06 octobre 2020 au 09 mai 2021
Quatre oeuvres restent au Petit Palais jusqu’à la fin de l’année : Le Sommeil, Thérésou (la lithophanie), Confetti, les Quatre parties du monde et Huilende Harp (la harpe qui pleure).
Petit Palais, Avenue Winston Churchill 75008 Paris
Photos : Véronique Spahis