A une époque où l’œuvre de Pierre Corneille est rarement jouée, notamment par les scènes subventionnées, le spectateur est particulièrement content de pouvoir écouter à nouveau les vers de ce grand auteur du patrimoine théâtral français.
En ce début de printemps, cette chance lui est offerte par le Théâtre Artistic Athévains qui propose une mise en scène du Cid par Frédérique Lazarini. S’il fallait la qualifier de quelques mots, on dirait classique, dynamique et esthétique.
Le classicisme se concrétise par la mise en valeur du texte. Ce qui importe dans cette mise en scène, c’est le vers dans toute sa puissance et l’art du comédien est avant tout de le dire et de le porter. La mise en scène est au service du texte ; elle le rend évident en éclairant le spectateur quant à la psychologie des protagonistes. Les affres de Chimène et de Rodrigue, les hésitations du roi, les exigences de Don Diègue sont clairement campées, en pleine cohérence avec le texte.
Mais il faut tempérer cette première appréciation par la volonté des concepteurs du spectacle d’insuffler une dynamique à l’œuvre. Point de tirades face au public, mais bien au contraire un Rodrigue fougueux qui parcourt en tous sens scène, salle et même cintres. Et c’est ainsi qu’il fera le récit de son combat contre les Maures auprès du roi et de Don Diègue en parcourant la salle. Cette dynamique est renforcée par quelques scènes de combat à l’épée qui enchantent le spectateur et surtout les scolaires présents en salle.
Enfin, la mise en scène est esthétiquement réussie. Une image projetée en fond de scène reflète les lumières projetées sur le sol métallique de la scène, les costumes sont de couleurs chatoyantes, la scène est relativement dégagée et peu encombrée d’objets : le trône du roi, un siège, un jeu d’échecs mais aussi une baignoire où Don Diègue viendra baigner son fils avant qu’il ne parte au combat, et un cercueil auprès duquel Chimène se recueillera. Bach et Vivaldi, mais aussi un blues traditionnel (« Summer time ») constituent des intermèdes bienvenus et cohérents avec l’œuvre.
On notera toutefois deux éléments surprenants, mais qui ne gâtent pas le plaisir du spectateur. Le rôle d’Elvire, tout d’abord, est interprété par un homme ; et c’est ainsi que Chimène confesse à une oreille masculine son amour pour Rodrigue qui vient d’assassiner son père. Le personnage de l’infante, ensuite, est supprimé au profit d’une marionnette animée par le roi qui prononce certaines de ses répliques. De telle sorte que la seule comédienne présente sur scène est Chimène. On ne voit pas très bien le pourquoi de tels choix, mais, la surprise passée, le spectateur se plonge avec toujours autant de délices dans les vers de Corneille.
Il faut bien sûr encourager ce retour de Corneille sur scène, qui plus est dans une mise en scène qui ose un certain classicisme. On attend avec impatience Horace ou Cinna.
Philippe Raimbourg
Jusqu’au 28 avril 2024 – mardi à 20h, mercredi à 17h, jeudi à 19h, vendredi à 20h30, samedi à 17h et 20h30, dimanche à 15h
Le Cid de Pierre Corneille. Mise en scène de Frédérique Lazarini. Avec : Cédric Colas, Quentin Gratias, Arthur Guézennec, Philippe Lebas, Lara Tavella, Guillaume Veyre
Théâtre Artistic Athévains. 45 rue Richard Lenoir, 75011 Paris